Par exemple, aux alentours de l’an 1200, on cesse en France de prononcer bien des consonnes finales, et notamment le S, dont la ruine est consommée au XVe siècle. Par effet inverse, les érudits du XVIe siècle tentent d’en réintroduire la prononciation. Geoffroy Tory donne un exemple de ce qui est – selon lui – la bonne prononciation :
« Nous avonsse dîné et y avonsse mangé
des prunesse blanchesse et noiresse, des amandesse doucesse et amèresse,
des figuesses mollesse et des pommesses, des poiresse, des groseillesse . »
Aujourd’hui encore, la prononciation des S finaux peut être assez irrégulière : silencieux dans Angers et Thiers, mais pas dans le Gers ni Anvers, le s n’engendre aucun liaison dans porcs-épics. (Des porzépics seraient pourtant sympathiques !)
Se tromper dans la prononciation d’un s peut être fatal. Du moins dans la Bible. Un passage de l’Ancien Testament raconte que la tribu israélite des Éphraïmites, vaincue, devait pour rejoindre ses terres traverser un point de passage tenu par ses ennemis Galaadites. Ceux-ci leur demandaient, pour vérification, de prononcer le mot Schibboleth (signifiant « épi »). Avec leur accent d’Éphraïmites, ils prononçaient Sibboleth, sur quoi « les hommes de Galaad les saisissaient, et les égorgeaient près des gués du Jourdain. Il périt en ce temps-là quarante-deux mille hommes d’Éphraïm».
La lettre s a longtemps connu deux formes. Comme en grec, où le sigma final (ς) diffère de celui qui se trouve à l’intérieur d’un mot (σ), le s n’avait sa forme serpentine actuelle qu’à la fin des mots. En position initiale ou médiane, il était plus allongé, démarrant parfois sous la lettre précédente et finissant au-dessus de la suivante, comme un f sans barre ( ſ ).