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Épisode 3 : Le trait d'union (suite)

Comment-distinguer- la-mie- de-l’amie-et-ne-pas-s’effrayer-des-spectres

Comme brièvement évoqué dans le chapitre précédent, le trait d’union médiéval était fréquemment oblique et montant, comme un coup de plume vigoureux lâché sur le parchemin.
Dans cette bible manuscrite [Image 1, MICG inv 1175], traits d’unions et points des i sont similaires. Ni les uns ni les autres ne ressemblent à ce que l’on conçoit aujourd’hui à l’évocation de leurs noms. Ils sont toutefois parfaitement lisibles.

Dans la Bible à 42 lignes – premier livre imprimé par Gutenberg avec des caractères mobiles [image 2, MICG inv 288], les traits d’union sont doubles et solidement charpentés. Ils sont très fréquents dans cet ouvrage, car le texte justifié (aligné à gauche comme à droite) demande de nombreuses coupures en fin de ligne.

Sans elles, il serait strié de lézardes blanches qui détruiraient sa texture, élément essentiel du style manuscrit que Gutenberg cherchait à imiter : la gothique textura.
Dans la Bible à 42 lignes, les traits d’union sortent de la justification (c’est-à-dire du bloc rectangulaire de texte). Cela veut dire qu’il a fallu rajouter des espaces à la fin de toutes lignes qui ne se terminaient pas par un trait d’union. Ce qui représente un important surcroît de travail pour l’atelier de Gutenberg : 36000 caractères invisibles ! Des spectres (du latin spectrum, « simulacre émis par les objets ») dont la composition représente un effort considérable, juste pour conserver au texte une forme graphique traditionnelle, qui ne choque pas le lecteur. Très subjectivement, celui-ci trouve ce qu’il a l’habitude de lire. Pour assurer sa pérennité, une nouvelle technologie (l’imprimerie) doit prouver tout d’abord qu’elle est capable de produire des livres aussi bon que les manuscrits. (Du moins, ressemblant aux manuscrits.) L’innovation graphique viendra dans un deuxième temps (et dans les prochains épisodes de cette série).

Pour en finir avec le trait d’union, notons qu’il était déjà présent en grec ancien. Leur hyphen avait un usage à peu près inverse au notre : dans une écriture qui ne plaçait pas d’espaces entre les mots, il indiquait qu’on avait affaire à un seul mot et non deux. La-mieétaittendre nous parle de douce camaraderie.
L-amieétaittendre de boulangerie.
Fragment de bible manuscrite - collections MICG - détail Fragment d’une Bible manuscrite de la fin du XIIIe siècle (inv 1175) - fig.1
Dans ce fragment de bible manuscrite, le trait d’union est quasiment identique aux points des i ; une gracile ascendante oblique. Dans la Bible à 42 lignes de Gutenberg (fig.2), au contraire, il est double et solidement charpenté.


Bible à 42 lignes de Gutenberg - collections MICG - détailBible à 42 lignes de Gutenberg (inv. 288) - fig.2