Logo pour impression Mettons les points sur les i

Épisode 7 : TIBERIVS CLAVDIVS CÆSAR AVGVSTVS CERMANICVS

Comme en témoigne la Table claudienne abordée dans l’épisode précédent, l’empereur Claude – bien que bègue – discourait. Il aurait également été l’initiateur d’une « réforme orthographique » qui, comme tant d’opération de ce genre, n’est entrée que lentement dans les usages : l’ajout d’un signe permettant de distinguer les V voyelles des V consonnes, transcrites par un digamma inversum (Ⅎ). Cette distinction s’est finalement réalisée avec une forme proche de V, notre moderne U.


C'est un V anguleux qui suit le mot QUOD à l'origine du mot français que. Les deux lettres sonnaient pareil dans la « prononciation restituée » du latin qui parle de kourikouloum witae et non de kuriculum vitè comme dans la prononciation « à la française ». (Une dernière prononciation - ecclésiastique - est en perte de vitesse suite à l'abandon du latin par l'église catholique lors du concile Vatican II. Ses sonorités sont proches de l'italien.)

Claude a également tenté d’introduire l’antisigma (Ͻ) pour les sons doubles ps et bs. Cette lettre n’a pas connu le succès escompté  : elle n’est attestée que par des écrits de grammairiens antiques. Il faut dire qu’elle était relativement inutile, tout comme l’est notre X, qui pourrait en français être remplacé par ks (taxi), gz (examen), s (dix), z (dix oiseaux) ou par rien du tout (dix chats).
Dernière « lettre claudienne », le , dont personne ne sait au juste ce qu’il devait noter, possiblement l’équivalent du son U en français contemporain.
V n’était pas la seule lettre faisant double usage à Rome.
C servait à la fois aux sons K et G ; K n’étant utilisé que pour les mots d’origine grecque.
C’est encore en principe le cas en italien, qui réserve cette lettre aux emprunts à des langues étrangères, et appelle cette lettre de son nom grec (kappa). Dans la vie quotidienne des Italiens toutefois, il remplace de plus en plus souvent le digraphe ch dans les post-its et SMS (ki sei ? au lieu de chi sei ?, traduisible en français par… té ki ?).
C et G, outre leur proximité graphique, ont également des accointances phoniques. Le latin acutus (avec un c) est à l’origine du français aigu (avec un g). Segundus (g) est devenu second (c… mais prononcé comme un g). Secret, un temps, s’est prononcé segret, avant que ne survienne « l’empiètement de l’ëcriture sur les droits de la prononciation », que Littré déplore.
Selon Plutarque, le C aurait été inventé par Spurius Carvilius Ruga, également fondateur de la première école privée (et premier citoyen romain légalement divorcé de l’histoire !). La carrière de cette lettre n’en a pas moins été fructueuse. En français du moins, où c’est la plus courante en initiale, occupant 3 des 17 volumes du Grand Dictionnaire universel de Pierre Larousse.
À Rome, C possédait encore d’autres vertus, que nous découvrirons au prochain épisode.


Sources (outre celles des épisodes précédents) :
Stanislas Dehaene, Les neurones de la lecture, Odile Jacob, Paris, 2007.
Roger Gorrindo, « Augustaux, mais si pas augustes… », Guide déraisonné des collections du musée de l’imprimerie et de la communication graphique, EMCC, Lyon, 2014.
Michel Arrivé, Réformer l’orthographe ?, Lambert-Lucas, Limoges, 2015.