Logo pour impression Visite guidée du Musée de l’imprimerie


Le Musée de l’imprimerie, partenaire du monde graphique

Créé par le maître-imprimeur lyonnais Maurice Audin (1895–1975), fils de l’imprimeur-éditeur érudit Marius Audin (1872–1951) et frère d’Amable, fondateur du Musée archéologique de Lyon, le Musée de l’imprimerie a ouvert ses portes en 1964 dans l’ancien Hôtel de la Couronne, bâtiment d’époque Renaissance qui fut hôtel-de-Ville de Lyon de 1604 à 1655. Ce bâtiment a été donné à la Ville par le Crédit Lyonnais. Henri-Jean Martin, alors directeur des bibliothèques de Lyon puis fondateur de l’Ecole française d’histoire du livre, et André Jammes, libraire parisien, ont participé à l’organisation et à l’acquisition de la collection permanente.

La richesse patrimoniale du musée lui a permis de se positionner comme l’un des plus importants d’Europe dans son domaine. Aujourd’hui, il est reconnu par le monde graphique national et international avec lequel il entretient de nombreuses collaborations par le biais d’expositions temporaires remarquées : Les Didot, 1988 ; Le Romain du Roi, 2002 ; Chromolithographie, 2005 ; Art pour tous, 2011 ; Transatlantiques, 2013… Les échanges scientifiques sont nombreux avec l’Europe, la Grande-Bretagne, le Canada, l’Amérique du Nord, la Corée. Le musée est membre fondateur de l’Association of European Printing Museum qui rassemble les principaux musées, institutions et ateliers patrimoniaux d’Europe ; son directeur de 2002 à 2015, Alan Marshall, est président de l’AEPM depuis 2012.

Le musée a connu de 2007 à 2013 une augmentation importante de sa fréquentation avec un public rajeuni.

Une collection élargie

Le musée a fêté son cinquantenaire en 2014 avec une nouvelle présentation de sa collection permanente et une nouvelle appellation, Musée de l’imprimerie et de la communication graphique, qui évoque son implication dans le monde d’aujourd’hui. En 50 ans, les industries graphiques ont connu des évolutions foudroyantes, passant des techniques traditionnelles au numérique. Les collections du musée ont suivi cette évolution et se sont considérablement élargies.

Aux côtés des produits nobles (le livre, l’estampe), des imprimés de toutes sortes ont fait leur entrée en force, du ticket de bus à la casquette du « Tour de France », de la publicité « Vache qui rit » à l’indicateur de chemin de fer, du journal gratuit à la pochette de disque des années 1960 ou à la BD ; s’y sont ajoutés les objets témoins de la révolution numérique comme bandes et cartes perforées, supports de mémoire électronique, programmes informatiques, photocomposeuses et polices de caractères numériques… Cette collection élargie fait aujourd’hui une large place, dans le musée, aux imprimés et objets des XIXe et XXe siècles et à leur foisonnante créativité graphique.

Le musée de l’imprimerie et de la communication graphique propose également toute l’année et à tous les âges des visites et des ateliers graphiques en lien avec sa collection permanente et ses expositions temporaires.

Machine à composer des lignes-blocs de type Intertype
Machine à composer des lignes-blocs de type Intertype

Vue du 1er étage
Vue du 1er étage

Vue du 2eme étage
Vue du 2eme étage

Vue du 2eme étage
Vue du 2eme étage

Parcourir l'exposition permanente

La 1e salle est dédiée aux origines de l’imprimerie : la multiplication des textes et des images

Les vitrines dans la première salle rappellent les étapes de l’évolution vers l’imprimerie. Les rouleaux qui se trouvaient dans les bibliothèques de l’Antiquité cèdent la place progressivement au codex, un ensemble de cahiers rectangulaires reliés en forme de livre ; cette évolution apporte une innovation majeure : la page. Le parchemin – à la fois solide, pliable et inscriptible sur ses deux faces – est particulièrement adapté à cette nouvelle forme du livre qu’est le codex. Tout comme le papier, qui fut inventé en Chine et diffusé vers Europe par la route de la Soie.

À partir du VIIe siècle, on trouve en Extrême-Orient une technique d’impression au moyen de la gravure sur bois (xylographie) qui permet de reproduire en série textes et images. Dès le XIIIe siècle, les Chinois impriment des caractères mobiles faits de terre cuite ou de bois, qui peuvent être assemblés, imprimés, puis réutilisés pour la composition d’autres textes. À la même époque, en Corée, un pas supplémentaire est franchi avec la fabrication de caractères mobiles en métal.

Au milieu du XVe siècle, l’imprimerie typographique est mise au point à Mayence en Allemagne. Le nom de Johannes Gensfleisch zur Laden zum Gutenberg est lié à jamais à cette innovation technique qui a des conséquences majeures sur le devenir des sociétés occidentales, en y transformant radicalement la transmission des connaissances et des idées.

Bible à 42 lignes de Gutenberg
Bible à 42 lignes de Gutenberg

Au fond de la même salle : imprimerie et Renaissance (1500–1600)

Avec l’expansion de l’imprimerie, un nouveau marché du livre, résolument international, se développe en Europe. A partir de la fin du XVe siècle, le livre typographié s’affranchit progressivement des formes traditionnelles du manuscrit. Le contenu du livre évolue aussi : les imprimeurs-libraires complètent l’offre de textes classiques avec de nouvelles formes littéraires, souvent d’auteurs vivants, et jouent un rôle de premier plan dans le mouvement des idées, associé à la Renaissance et à la Réforme.

L’Humanisme – courant de pensée philosophique, politique, social et culturel – qui naît en Italie à la Renaissance, se répand progressivement à travers l’Europe. Il prône un retour aux valeurs, aux idées et aux sciences de l’Antiquité. C’est dans cet esprit que les humanistes se mettent en quête des textes perdus des grands auteurs antiques, grecs, latins mais aussi arabes et orientaux.
L’imprimerie s’avère donc un outil idéal pour diffuser les savoirs antiques, les doctrines religieuses, et pour favoriser l’alphabétisation.

Avec son collaborateur, l’illustrateur Bernard Salomon, l’imprimeur Jean de Tournes a produit des livres de qualité exceptionnelle à Lyon à cette période.

Quadrins historiques de la Bible (1553) par Claude Paradin
Quadrins historiques de la Bible (1553) par Claude Paradin

Quadrins historiques de la Bible (1553) par Claude Paradin - zoom

Imprimerie et Réforme

Au début du XVe siècle, l’Église catholique est toute puissante, mais ce vaste édifice se délite. La Réforme protestante prend plusieurs formes (Luthérianisme, Calvinisme, Anabaptisme...). Toutes ont en commun le rejet de l’autorité du pape, du purgatoire, du culte des saints et de la Vierge. Les Réformateurs traduisent la Bible en langue vulgaire et favorisent l’apprentissage de la lecture.

Mais l’Église catholique ne tarde pas à réagir, et suite au Concile de Trente (1545–1563), une doctrine revivifiée est établie, la Contre-Réforme. De nouveaux ordres religieux sont créés : capucins, oratoriens et, surtout, jésuites. Aux XVIe et XVIIe siècles, les guerres de religion et les luttes politiques mettent l’Europe à feu et à sang. Les imprimeurs doivent « choisir leur camp » et, s’ils sont imprudents, risquent le bûcher. En France, la censure instituée par François Ier dès 1521 contrôle la production imprimée.

En 1558 paraît le premier Index romain, liste de livres interdits par l’Église catholique. L’Inquisition espagnole exerce aussi un contrôle sévère sur la diffusion et la circulation des livres. Du côté des Réformateurs, la liberté n’est pas non plus de mise, et les petits États allemands, la Grande-Bretagne, et au XVIe siècle les colonies américaines connaissent une vague de condamnations pour sorcellerie.

Page de titre d'une édition des écrits de Martin Luther (Bâle, 1520)
Page de titre d'une édition des écrits de Martin Luther (Bâle, 1520).

Le règne de l'estampe

Empruntez l’escalier en face des fenêtres, pour monter au deuxième étage. Deux salles pour l’estampe.

Une « estampe » est une impression sur une feuille volante considérée comme une œuvre ou un produit à part entière. L’estampe a de nombreux usages : didactique, documentaire, politique, artistique, religieux, récréatif, commercial. La facilité avec laquelle elle peut être réalisée et la multiplicité de ses usages contribueront à son succès au fil des siècles.
Le perfectionnement des techniques d’imprimerie permet de reproduire des images de plus en plus détaillées et raffinées. La technique la plus ancienne est la gravure sur bois. Se développe au XVe siècle la taille-douce, ou gravure sur cuivre.

Dès la Renaissance, on reproduit des tableaux en estampes, ce qui permet aux peintres de se faire connaître et de diffuser plus largement leurs œuvres, et aux particuliers d’en acquérir une copie à un prix plus raisonnable.
Avec le développement de l’imprimerie aux XVe et XVIe siècles, puis l’émergence, au XVIIe siècle, du métier d’éditeur-marchand, l’estampe met progressivement le monde en images.
Les murs des plus aisés et des plus pauvres peuvent être ornés de sujets religieux et allégoriques, mais aussi de reproductions d’œuvres d’art, de monuments et d’antiquités, de portraits, de cartes de géographie, de paysages connus ou exotiques…

Deux chefs d’œuvres dans la deuxième salle, « La Sainte-Face » (1642) de Claude Mellan, gravé d’un seul trait, et « La Cène » (1523) du grand maître Albrecht Dürer.

La Sainte Face / Claude Mellan, 1642
La Sainte Face / Claude Mellan, 1642.

Prenez l’escalier en bois : salle dédiée à l’ancien régime typographique (1600–1800).

Imprimer comme au temps de Gutenberg

Au XVIIe siècle, le commerce du livre est ouvert sur l’Europe et les colonies. Malgré des techniques d’imprimerie peu changées depuis le XVe siècle et les modes de production artisanaux et souvent familiaux, le secteur est caractérisé par un dynamisme incontestable. En matière de contenus, de formats, de mise en page et d’illustrations, la production imprimée est de plus en plus diversifiée. En France, l’imprimerie est très réglementée. La censure, tant royale que religieuse, reste également forte, mais malgré les sanctions encourues, la production d’ouvrages prohibés publiés sous fausses adresses et de contrefaçons de nouveautés publiées sans privilèges est étonnamment abondante.

Le lectorat ne cesse cependant de s’élargir. L’accroissement des villes et le développement de l’enseignement suscitent une demande croissante de livres. Cette situation est source de tensions. À une époque où la monarchie est de plus en plus déconsidérée, l’imprimé est vecteur des idées révolutionnaires. Un nombre croissant de citoyens instruits grossit les rangs des contestataires qui porteront la Révolution française.

À la fin du XVIIIe siècle, des révolutions politiques et techniques mettent à bas l’Ancien Régime, avec des conséquences importantes dans le monde du livre.
Une des publications françaises les plus renommées est l’Encyclopédie du XVIIIe siècle. Cette salle contient également des imprimés bien moins durables, des « éphémères ».

Encyclopédie de Diderot et D'Alembert Paris, 1751–1776
Encyclopédie de Diderot et D'Alembert Paris, 1751–1776.

La Révolution industrielle (1800–1900)

Elle s’amorce en Grande-Bretagne dès la fin du XVIIIe siècle avec une série d’innovations techniques. L’extension des réseaux des chemins de fer, des transports maritime et fluvial, du télégraphe, va de pair avec l’expansion géographique de l’activité économique sur le plan national aussi bien qu’international.
L’industrialisation provoque un exode rural et voit naître la classe ouvrière. Les aires de commerce s’élargissent pour permettre l’écoulement de la production en série. La production industrielle s’appuie sur un nouveau mode de financement des entreprises, la société par actions. La grande distribution se développe au cours des dernières décennies du XIXe siècle.

Politiquement, les lents progrès de la démocratie, de l’instruction publique et de l’alphabétisation ouvrent de nouveaux espaces à la production d’imprimés. Cette sphère publique élargie est dominée par la bourgeoisie commerçante et une partie des classes moyennes, adeptes du progressisme et de la consommation.
Le monde de l’imprimerie connaît, lui aussi, de grands bouleversements et de nombreuses innovations techniques, notamment de mécanisation. L’invention de la lithographie et de la photographie donnent une formidable impulsion à la diffusion des images et l’affichage publicitaire envahit les rues. L’édition s’industrialise parallèlement à l’essor des journaux bon marché, nés avec une liberté de la presse progressivement et chèrement gagnée.

Dans une société de plus en plus complexe, l’information circule grâce à une myriade de documents administratifs et commerciaux éphémères : imprimés de gestion commerciale et technique, publicités, affiches illustrées, étiquettes et papiers d’emballages.
Une invention clé de cette période est la lithographie, qui est expliquée par une vidéo dans cette salle. La superbe affiche de Jules Chèret pour Le Figaro date de 1895.

Escalier en bois ; salle décorée d’affiches publicitaires, dont une pour le Casino de Paris.

Affiche typique du style de Jules Cheret / Paris, 1896
Affiche typique du style de Jules Cheret / Paris, 1896.

La nouvelle économie documentaire

Au cours du XIXe siècle, les formes et les usages de l’imprimé se multiplient. Dans le domaine administratif, l’« écrit » cède la place à l’« information » ; le livre au document.

La lecture discontinue devient la norme. Le texte n’est plus linéaire comme dans un livre, mais morcelé. L’ordonnancement du texte et la hiérarchisation des informations appellent à l’emploi de nouveaux moyens typographiques : listes et tableaux, caractères gras et italiques, puces, retraits, filets, pointillés. Au fur et à mesure que le document l’emporte sur le livre, la plume est remplacée par la machine à écrire qui devient l’un des outils les plus répandus du monde moderne.

Banc de reproduction (environ 1900). De tels appareils existaient en plus grand encore !

Machine à écrire Hammond (début 20eme siècle)
Machine à écrire Hammond (début 20eme siècle).

Photographie et impression en couleurs : l’image pour tous (1850–1900)

Le XIXe siècle est celui de l’image. C’est d’abord sur le plan technique une période d’expérimentation et d’innovation intenses. La lithographie, découverte et développée au début du siècle, connaîtra un grand essor industriel dans tous les domaines de l’illustration, d’abord pour des travaux en noir et blanc, ensuite en couleurs.

Les nouvelles techniques photographiques trouvent également de très nombreuses applications en imprimerie. À partir des années 1890, la photogravure (noir et blanc, puis couleur) va progressivement supplanter la gravure sur bois dans pratiquement tous les secteurs de l’illustration. C’est aussi au cours du XIXe siècle que l’image se démocratise. Traditionnellement réservée à une élite aisée (à l’exception de l’imagerie populaire souvent de qualité médiocre), l’image imprimée va devenir accessible à une très large partie de la population grâce aux nouvelles techniques industrielles.

Nombreux exemples de la chromolithographie. D’un intérêt particulier, un jeu d’épreuves présenté dans l’ordre d’impression des sept couleurs utilisées pour produire un emballage de chocolat.

Publicité pour le célèbre fabriquant anglais de bicyclettes Rudge, 1900
ublicité pour le célèbre fabriquant anglais de bicyclettes Rudge, 1900.

Rebrousser chemin jusqu’à la rotonde. Aller tout droit dans la salle de la révolution graphique (1880–1945).

La communication entre en lice

Dès les années 1880, la communication joue un rôle croissant dans la gestion d’une société de plus en plus complexe. Le volume et la vitesse de circulation des informations augmentent de manière spectaculaire, véhiculées en très grande partie par l’imprimé. La presse écrite, premier média de masse, vit son heure de gloire. L’édition s’industrialise.

Au sein des industries graphiques, les progrès de l’impression en couleurs, le développement de nouveaux procédés basés sur la photographie et l’essor de la publicité provoquent une véritable révolution. On ne se contente plus d’informer, de convaincre, de persuader par le texte : l’imprimé sert de plus en plus à séduire par l’image. Le capitalisme industriel repose sur le marketing, la publicité et le développement de la notion d’« image de marque », et le graphiste se trouve au centre de ces modes de communications émergents.

L’affiche peut-être la plus saisissante est celle de Capiello pour Maurin Quina, qui date de 1906. Parmi les objets dans les vitrines, l’emballage pour un certain fromage vous sera probablement familier.
À Londres entre les deux guerres, la régie des transports embauchait des artistes à la pointe du métier pour créer des affiches.

Maurin Quina / Leonetto Capiello. Le Puy, 1906
Maurin Quina / Leonetto Capiello. Le Puy, 1906.

Dans la même salle : l’âge d’or du journal

Le tournant du XXe siècle est l’âge d’or de la presse écrite, qui devient un média de masse, aidée par des progrès techniques et une libéralisation politique sous la Troisième République. Le journal se diversifie en différents marchés sociaux, territoriaux et idéologiques. La presse à grand tirage est de moins en moins politisée pour toucher un public le plus large possible. La profession de journaliste voit ses effectifs grossir régulièrement.

La presse occupe une place importante dans une société en pleine évolution. Mais elle est également une entreprise comme une autre qui, dans une période d’évolution technique majeure, doit chercher la rentabilité. Du point de vue économique, pour de nombreux journaux il ne s’agit pas simplement de vendre de l’information aux lecteurs, mais aussi de vendre des lecteurs aux annonceurs.

Jusque dans les années 1970 les journaux étaient imprimés sur des milliers de composeuses-fondeuses. Celle-ci est une Intertype des années 1930.

Paris Match, 4 juin 1960
Paris Match, 4 juin 1960.

La société de l’information

Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, la communication graphique est fortement marquée par le rapprochement de trois domaines d’activité économique jusqu’alors distincts : l’imprimerie, la production de documents de bureau et l’informatique. Depuis Gutenberg et jusqu’à la fin du XIXe siècle, les imprimeurs détenaient le monopole de la reproduction en série de textes et d’images. Cette situation change avec la mise au point de techniques qui permettent de produire en série des documents de qualité moyenne.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’arrivée de l’ordinateur change de nouveau la donne. Les imprimeurs peuvent exploiter directement les bases de données administratives et commerciales, sans passer par la saisie des textes par un compositeur-typographe spécialisé.

Le rapprochement de l’imprimerie, du bureau et de l’informatique est consacré en 1984 avec la commercialisation du Macintosh de la société Apple, point de départ de la publication assistée par ordinateur (PAO). Aujourd’hui, l’ordinateur individuel le plus modeste offre des outils graphiques dont la puissance et la productivité dépassent de loin celles des machines et systèmes spécialisés utilisés par les imprimeurs avant la révolution numérique.

Macintosh Classic, circa 1990
Macintosh Classic, circa 1990.

La Lumitype : une invention lyonnaise

Dans les années 1940, Lyon se trouve au cœur d'un mouvement d'innovation qui va propulser le monde de l'imprimerie et plus généralement des techniques graphiques, dans une nouvelle direction. L'aventure commence en 1944 lorsque deux ingénieurs français René Higonnet (1904-1983) et Louis Moyroud (1914-2010) déposent leurs premiers brevets d'une machine de photocomposition auprès de la Société LMT (31, place Bellecour), dont ils sont salariés.
Il s'agit de la Lumitype, première photocomposeuse dite « de deuxième génération », qu'ils viennent de mettre au point – elle ne sera commercialisée qu'une dizaine d'années plus tard. Le système repose sur la combinaison de la photographie ultra-rapide et du calcul binaire. La partie centrale de la photocomposeuse est un disque porte-matrice tournant à huit tours par seconde, sur lequel sont stockées sous forme d’images en négatif, huit polices de caractères rangées concentriquement. La saisie du texte se fait par un simple clavier, comme celui d'une machine à écrire. L’image de chaque lettre sélectionnée est alors flashée sur un film recouvert d'une couche photosensible. Un système optique détermine la taille des caractères puis les positionne sur le support photographique tandis qu'un système binaire électromagnétique (plus tard électronique) permet notamment de mémoriser la ligne en cours.

L'ingéniosité de cette machine réside principalement dans la dématérialisation de la lettre d’imprimerie, phénomène qui prendra de l'ampleur au cours des décennies suivantes avec l’invention de l’offset, puis l’informatisation de la composition et la PAO (publication assistée par ordinateur). Dorénavant, le plomb fait place à la lumière.
L'idée de fondre des milliers de caractères typographiques puis de les assembler pour composer un texte, appartient désormais au passé. A l'instar de nombre d'inventions françaises, la Lumitype ne trouve en France aucun investisseur prêt à miser sur sa commercialisation.

Higonnet profite donc d'une mission aux États-Unis pour le compte de son employeur pour y présenter son invention et chercher des appuis financiers. Il y rencontre Bill Garth, alors directeur de la Lithomat Corporation, qui produit des plaques offset. Celui-ci s'investit personnellement sur le projet et réunit d'autres pourvoyeurs de fonds pour la mise au point d’un second prototype. La première démonstration publique de la Lumitype, à New York en 1949 est un succès. La machine sera ensuite perfectionnée et commercialisée aux États-Unis par la société Photon, dans les années 1950, dirigée par Bill Garth. Le premier livre au monde réalisé en photocomposition sera The Wonderful World of Insects d’Albro T. Gaul (1953). En 1957, l'imprimerie Berger-Levrault à Nancy se lance à son tour dans la Lumitype avec la publication d'une édition du Mariage de Figaro de Beaumarchais. A Lyon, la mémoire de cette invention reste toujours vivante grâce notamment à l'intégration des archives professionnelles de R. Higonnet et de L. Moyroud au musée de l'Imprimerie, devenu de fait un centre de documentation incontournable dans ce domaine.

Lumitype-Photon : unité photographique
Lumitype-Photon : unité photographique.

Chacun est son propre imprimeur/éditeur

Depuis Gutenberg et jusqu’aux années 1960, l’imprimerie est restée un monde clos, organisé autour d’un matériel lourd et onéreux manipulé par une main d’œuvre hautement qualifiée.
Au cours de la première moitié du XXe siècle, le monopole de fait exercé par les imprimeurs est partiellement remis en cause par la généralisation de techniques légères de composition et d’impression de documents de bureau.

Mais c’est la deuxième moitié du XXe siècle qui voit une véritable démocratisation de la production de l’imprimé. Ce mouvement commence dans les bureaux des grandes entreprises et administrations, pour qui la circulation de l’information à une échelle de plus en plus étendue est devenue un enjeu majeur.

La production graphique s’ouvre aussi, dans les années 1960, vers les mondes de la contestation politique et de la contre-culture, qui remettent profondément en cause non seulement les modes de production mais aussi la présentation graphique des médias traditionnels.
1968 était une année charnière, surtout en France, et la possibilité de bricoler des affiches a contribué au mouvement de subversion.

Xerox photocopier 660
Xerox photocopier 660.

La dernière salle : la société conquise par l’image

Les années 1950 et 1960 sont marquées par l’extension rapide du commerce international qui repose sur des systèmes de transports et de communication étendus et performants et la montée en puissance des sociétés transnationales. Au sein des industries graphiques le graphiste se trouve aux avant-postes de la gestion de ce flot d’imprimés, car la forme de chaque document doit correspondre à son usage.

Parallèlement au développement du commerce international, un style graphique lui-aussi international s’impose, qui répond aux besoins d’entreprises dont les activités ne connaissent pas de frontières linguistiques ni culturelles. La rationalité, l’ordre et l’efficacité en sont les mots d’ordre. Néanmoins, le « style international » n’empêche pourtant pas l’expression de cultures graphiques « locales » ; c’était notamment le cas en France.

L’un des plus grands graphistes français du XXe siècle était Roger Excoffon. Un bel exemple de son œuvre est l’affiche évocatrice qu’il a créée pour Air France en 1964.

Air France (Caravelle) / Excoffon. Paris, 1964
Air France (Caravelle) / Excoffon. Paris, 1964.

Gitanes / Morvan. Paris, 1960
Gitanes / Morvan. Paris, 1960.