Logo pour impression Mettons les points sur les i

Épisode 8 : où l’on apprend qu’il ne faut jamais signer un contrat le XVII du mois

Pour les Romains, la lettre C servait également à noter le chiffre 100. Ils s’inspiraient en cela des numérations hébraïques et grecques.

Ainsi, la simple barre du iota grec (I) notait le chiffre 1. Pi (Π) servait pour le chiffre 5, qui en grec se prononce pénte (avec un pi initial). On retrouve cette racine dans le mot pentagone : une figure à cinq côtés. Delta (Δ) notait 10 (déka, qui subsiste dans le décalogue, les dix commandements). Eta (Η) représentait 100 (ekatón : une hécatombe est le sacrifice d’une centaine d’animaux). Chi (X) correspondait à 1000 (chília, qui a donné le moderne kilo : un kilogramme correspond à mille grammes). Enfin, Mu (M) transcrivait 10000 (myriáda, à l’origine du français myriade).

Contrairement au grec, les chiffres romains ne sont pas basés sur les initiales des mots. C (centum) et M (mille) ne le sont que par coïncidence. À partir du simple I notant 1, le déroulement est plus chaotique.



Certains jeux de carte – ici le jass – possèdent un système de notation
dédié. Un trait oblique est très efficaces pour marquer la cinquième unité.

L’usage du V pour noter 5 semblerait provenir d’un simple chevron, que connaissent les prisonniers, écoliers et amoureux qui comptent les jours ou les heures les séparant d’un heureux événement : l’alignement de barres successives perd beaucoup en efficacité à partir de la cinquième, que traditionnellement on trace donc en oblique.

La notation L pour 50 semble venir des signes V I superposés (⩛), plus tard simplifié en ⊥ puis en L. Et celle de D pour 500 serait en fait une moitié du signe utilisé pour 1000, c’est-à-dire un M, pris ici dans sa forme «onciale» arrondie (voir image ci-dessous).




Aujourd’hui, les chiffres romains sont toujours en usage dans certains contextes où leur majesté s’impose, notamment pour les numéros d’ordre de rois et de papes (Louis XIV, Benoît XVI), les longues périodes temporelles (de préférence en grandes capitales pour les millénaires, en petites capitales pour les siècles) et les épisodes de Star Wars (Épisode I). Fut un temps où ils étaient systématiques dans les génériques de films : un mot comme MCMLXXXIV apparaissant quelques secondes sur l’écran est à peu près illisibles, ou du moins ne se découvre que beaucoup plus lentement que «1984 ». Comme pour les dames élégantes, le film se voyait épargner la révélation de son âge véritable. Depuis le passage de l’an 2000, ce type d’effet s’est bien amoindri (MMXVIII est relativement lisible). Reste le lustre antique : « Mac OS X » est nettement plus spectaculaire que « Mac OS 10 » – ce qui n’empêche pas de le prononcer auhèssikse, comme Jacques Brel parlait de l’hôtel Georges .

Proches de la source latine, il semblerait que les Italiens prêtent encore aujourd’hui certaines vertus aux chiffres romains. Du moins les Italiens superstitieux, qui refuseront de signer un contrat important ou d’effectuer un achat majeur le 17 du mois. Car XVII et l’anagramme de VIXI, « j’ai vécu », donc… « je suis mort ». Chiffres et tabous se croisent bien souvent, comme nous le verrons au prochain épisode.