Au XVIe siècle, tous les latinistes ne différenciant pas, à l’écrit, le U du V ni le J du I. Il leur était ainsi beaucoup plus aisé de déchiffrer le nom de Jacques Du-Puys (« du puits ») dans le « IACQVES DV-PVYS » de la marque typographique de cet imprimeur.
Les V et les I devaient être déchiffrés par le lecteur, que l’on considérait comme assez malin – et bon latiniste – pour savoir s’il s’agissait d’une consonne ou d’une voyelle. Parfois on l’aidait en rajoutant d’autres lettres. Ainsi le vieux français ung (pour « un »), dont le g évitait la confusion avec vu).
Pour les noms propres, les choses sont plus ambiguës. L’imprimeur lyonnais du XVIe siècle Guillaume ROVILLE peut, selon les sources, être prononcé Roville ou Rouillé. Sur sa marque, il est souvent latinisé en Rovillium.
La distinction U / V et I / J dans l’enseignement du latin a commencé à être pratiquée dans les années 1980. C’est à la même époque que le U disparaît des plaques minéralogiques françaises, pour éviter d’être confondu avec le V.
La première tentative de distinction entre U et V apparaît dans un abécédaire gothique de 1386. Depuis quelque temps déjà, certains surmontaient parfois le V voyelle d’une petite courbe (IXe siècle) ou, plus tard, d’un tréma distinctif (1532).
« Mais ung regret… »
La forme capitale de l’U (avec une première verticale pleine, la seconde déliée) n’est établie qu’en 1629 par l’imprimeur strasbourgeois Lazare Zetzner.
On utilisait fréquemment jusque-là des u d’un corps plus élevé, simplement composés tête en bas. En 1762 seulement, le U dispose de son propre chapitre dans le dictionnaire. Pour les typographes, toutefois, il n’intègre pas l’ordre alphabétique dans le rangement de la casse : en capitales, il ne figure qu’en fin de série, avec J et j [voir le plan de casse] et Ieux de lettres.
Le i long, quant à lui, apparaissait déjà dans les chiffres romains. Vers le milieu du XVIe siècle, les mathématiciens Jacques Peletier du Mans (1517-1582) et Pierre de La Ramée (Ramus, v. 1515-1572) militent pour la distinction entre i consonne et i voyelle. Cette pratique était déjà courante aux Pays-Bas.
Le J sera ainsi longtemps épelé i de Hollande, puis ige au XVIIIe siècle, avant de devenir ji. La forme ige est toujours la norme dans certaines régions de Suisse.
Son adoption par l’Académie Française se fait en 1663, sous l’impulsion de Pierre Corneille.
Aujourd’hui, le J est une lettre d’importante : c’est elle qui permet au sténodactylo de placer correctement ses mains sur son clavier Azerty, les lettres J et F étant dotées de petites protubérances respectivement destinées aux index droits et gauches.
Pratique, logique, la création du J empêche toutefois grand nombre d’entre nous de comprendre la mention INRI sur les crucifix (Iesus Nazarenus Rex Iudaerorum, « Jésus de Nazareth, roi des Juifs »). De même pour l’insulte désuète de « Grand if » (Autrement écrit : « IF », c’est-à-dire « Jean-Foutre » !). Enfin, cette distinction n’étant pas encore parfaitement établie au XVIIIe siècle, elle aurait permis à François Marie AROUET LE Jeune de choisir, par un anagramme, son pseudonyme de… VOLTAIRE .