Épisode 15 : comment Louis XIV met l’alphabet au pas
À la fin du XVIIe siècle, l’hégémonie française sur la typographie est un lointain souvenir. Contrainte par un corporatisme sclérosant et par une forte concurrence des presses étrangères, plus libres de censure, la production graphique française est au point mort. Ce que n’ignorent pas les autorités.
Pour y remédier, l’Académie des Sciences, institution nouvellement créée par le ministre Colbert, met en place en 1693 un groupe de travail dont la mission est de réaliser une nomenclature des arts et métiers. La commission Jaugeon commence ses travaux par l’imprimerie typographique, « l’art qui contient tous les autres ». Cette vaste étude vise à doter Louis XIV d’un style propre à son règne, à la manière des types de Garamond, symboles de celui de François Ier. Il s’agit de produire l’identité typographique de la monarchie absolue.
L’abbé Jean-Paul Bignon, Jacques Jaugeon, Gilles Filleau des Billettes et le père Sébastien Truchet consultent les plus beaux ouvrages, les manuels théoriques qui font autorité ainsi que de nombreuses épreuves de caractères, recensant ce qui s’est fait de mieux depuis les origines de l’imprimerie. L’objectif est de déterminer de quelle manière ont été construits les caractères les plus réputés.
Dès l’origine, ils considèrent qu’une lettre se construit, non qu’elle se dessine ou qu’elle s’écrit. Harmonie et rigueur sont leurs maîtres mots. Ils établissent des modèles basés sur une grille géométrique de 2304 carrés. Les lettres y sont soumises au tracé rationnel du compas et de la règle. Ce style alors nouveau est aujourd’hui baptisé réal ou transitionnel.