Épisode 12 : qui a inventé l’accord du participe passé avec avoir ?
Dans cet épisode de notre roman-feuilleton sur les bizarreries de la lettre, on vous annonce qu’on a retrouvé le maraud qui a inventé l’accord du participe passé avec avoir.
En 1533 paraît la Brefve doctrine, un traité de ponctuation rédigé par trois personnages fameux : Geoffroy Tory, Antoine Augereau (graveur de poinçons typographiques et « maître de Garamont», v. 1485-1534) et le poète Clément Marot (1496-1544).
Ce dernier fait partie des « Lecteurs du roi », groupés autour de Marguerite de Navarre (sœur de François Ier).
L’aréopage comporte également Robert Estienne, qui imprime le Traité de la punctuation de la langue francoyse (1540) d’Étienne Dolet. Du point de vue religieux, tous penchent du côté du protestantisme, et cherchent à réformer la langue et l’écriture tout comme
la religion. Marot connaît l’exil à plusieurs reprises, en Italie, Suisse et Savoie (territoire alors indépendant de la couronne de France). C’est lui qui a formulé (et peut-être inventé) la règle d’accord du participe passé avec avoir, ce casse-tête pour des générations d’écoliers, depuis. Les trois compères vont également généraliser l’utilisation de l’apostrophe.
Suite à l’affaire du Placard contre la messe, Antoine Augereau est jugé et condamné à être pendu et brûlé place Maubert en 1534. Étienne Dolet, accusé d’athéisme, est quant à lui étranglé puis brûlé avec ses livres en 1546.
Plus prudent, Robert Estienne fuit vers Genève avec sa famille. Il s’y installe comme imprimeur dès 1552, et s’y convertit ouvertement au calvinisme. Son héritage est revendiqué par une école d’art graphique, à Paris (l’école Estienne). À Genève, on prononce son nom à la façon du XVIe siècle, sans faire sonner le s, et une rue a été baptisée à son nom. Sur la plaque indiquant le nom de la rue, on peut lire « Robert Estienne, imprimeur Genevois » !
Ils normalisent l’usage du point rond (point final), du comma (point-virgule) et du point à queue, plus tard rebaptisé virgule (du latin virga, « petite branche mince et souple »). Ils généralisent l’usage de l’apostrophe, un signe imprimé pour la première fois par Alde Manuce en 1502 et importé en France la même année par le contrefacteur Balthazar de Gabiano.