Épisode 16 : Geoffroy Tory et les divines proportions
Au XVIe siècle, on cherche à produire des lettres par une construction géométrique, suivant une grille semblable à celle utilisée par l’architecte Vitruve (Ier siècle av. J.-C.) et reprise par Léonard de Vinci (1452-1519).
Des artistes Donatello (v. 1386-1466) et Ghirlandaio (1449-1494), qui ornent leurs œuvres d’inscriptions romaines, au moine Luca Pacioli (v. 1445-1517), ami de Piero Della Francesca (v. 1415-1492) et Léonard de Vinci (1452-1519), tous tentent de déterminer mathématiquement les proportions idéales. Considérant que les lettres sont l’expression du langage, lui-même véhicules des idées, elles se trouvent liées à la Divinité dans un ordre hiérarchique néoplatonicien.
Leur harmonieuse construction doit refléter la géométrie divine. Suite aux théories émises par Fra Luca Pacioli (1509), les traités abondent, parmi lesquels ceux de Sigismondo Fanti et d’Albrecht Dürer (1471-1528). En France, Geoffroy Tory (v. 1480-1533) est l’auteur d’un Champ-Fleury (1529), aux ambitions similaires.
Tous ou presque ne s’intéressent qu’aux lettres capitales. Les minuscules, pourtant nettement plus fréquentes et fonctionnelles, sont peut-être trop bassement « utilitaires » pour refléter les hermétiques secrets du « ciel des idées »…
Si l’humanisme entend construire un monde « à la mesure de l’homme », il est logique que ses lettres soient, elles-aussi, calquées sur les proportions
du corps humain.
Ou, selon Michel Thévoz , c’est le contraire : suite à la standardisation de l’écriture par la typographie, c’est le corps humain qu’on a commencé de standardiser, de dresser, avec des injonctions telles que « se tenir droit comme un i ». Cette analyse va peut-être un peu loin. Plus simplement, une tradition festive des typographes les fait se considérer comme italiques si le vin des agapes les fait chanceler.