La fête carnavalesque est hostile à tout
ce qui est définitif, prêt et achevé, à toute
prétention à l’immuable et à l’éternel
: tout y prend une forme dynamique, fluctuante. Et quel exemple
illustre mieux l’inachevé, le devenir perpétuel
que l’oeuvre majeur de Wim Delvoye, Cloaca ?
Le processus même de la digestion en est l’image ; la nourriture
devient progressivement merde, les deux pôles du changement
sont représentés : l’ancien et le nouveau,
ce qui naît et ce qui meurt, mettant ainsi en valeur
une importance marquée du temps ; les produits dérivés
de Cloaca eux-mêmes ne sont pas voués à l’immobilité puisque
les excréments ne sont pas seulement produits mais
vendus, et deviennent donc des oeuvres autonomes, qui continuent
leur chemin indépendamment de l’oeuvre mère.
De là découle tout un ensemble de procédures
commerciales : la machine pourrait être cotée
en bourse et devenir une véritable entreprise économique.
Ainsi, on peut difficilement parler de la machine comme d’une
oeuvre achevée ; Cloaca est bien plus que ce que l’on
voit dans le musée: chaque exposition l’interprète
de façon nouvelle, lui faisant jouer une partition
différente; elle possède un dynamisme propre,
allant à l’encontre de toute volonté d’immuabilité.