« nous sommes les féticheurs de
nos sociétés »
Arman
Si Wim Delvoye
peut, de toute évidence surprendre, voire
choquer certains publics – au-delà du cercle convenu
des amateurs d’art contemporain, telles « ces dames
qui achètent des pipes pour décorer leur salon » (-
selon les dire de l’artiste), le caractère percutant
de ses œuvres n’est pas à rechercher dans une
volonté de provocation gratuite ; c’est bien plutôt
leur réception comme provocation qui est à interroger:
en effet, une œuvre ne peut être perçue comme
provocatrice, dérangeante, qu’à condition
de se situer par rapport à un univers de référence
qu’elle perturbe. C’est bien parce que les vitraux-
X, les cochons tatoués, ou les bétonneuses ouvragées
sont de ce monde qu’ils peuvent apparaître comme
perturbation.
Les œuvres de Wim Delvoye
se caractérisent en effet
par une alliance de l’hommage et de la subversion. Ainsi,
quand il fait tatouer un cochon, n’y voyez pas une parodie
des insignes qu’arborent les camionneurs et les motards
; bien sûr, cette association incongrue n’est pas
dénuée d’humour, mais cet humour réside
moins dans la satire d’une pratique culturelle que dans
la création d’un nouveau mode d’existence
du tatouage, et d’une nouvelle espèce de cochon
- un cochon humanisé, introduit au musée. De même
les vitraux- X ne constituent pas un acte de profanation religieuse,
mais puisent bien plutôt à la source du sacré pour
ajouter une dimension spirituelle à ces accouplements
de squelettes et de viscères – retrouvant par là,
dans cette conjonction du profane et du sacré, l’ancien
motif des vanités.
Vitraux, Cochons ,
Bétonneuses ,
Cloaca elle-même,
entrent ainsi au musée tout en ne s’y laissant pas
enfermer. Ces œuvres mettent en doute les frontières
qui séparent l’art de toutes les pratiques culturelles,
artisanales, scientifiques, commerciales.