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Mise en bouche  
Le paradigme de la digestion  
Hybridation  
Wim Delvoye est-il un cynique?  
Contrôle des souffles corporels et analité  
ELOGE DU QUOTIDIEN
Art, artisanat, science  
  Quotidienneté et universalité
  Bouleversement hierarchique
  "Beau", "net", ou intéressant?
 
  Quotidienneté et universalité
 

 

Hegel, dans l'Esthétique, à propos de la peinture de genre flamande, parle d'une "fusion totale de la peinture avec le profane et le quotidien ", qui rappelle la notion d'émulsion caractéristique de l'oeuvre de Wim Delvoye telle que lui-même la définit. L'émulsion, c'est le mélange homogène de deux liquides de consistances différentes, en physique comme dans l'art culinaire.
Chez Wim Delvoye, il y a émulsion entre art et trivialité, entre art et ordinaire, entre l'univers noble du musée et le caractère ignoble de l'excrément. Dans la même perspective, la définition que donne
Tzvetan Todorov de la peinture de genre flamande dans Eloge du quotidien permet d’éclairer le choix des motifs des artistes hollandais du 17ème siècle: "elle opère un choix, et même un choix très restrictif, au sein de toutes les actions qui forment le tissu de la vie humaine. Elle renonce à la représentation de tout ce qui sort de l'ordinaire et reste inaccessible au commun des mortels. " Le choix que fait Wim Delvoye de réaliser des pelles, des bétonneuses, d'utiliser le corps et les animaux familiers dans ses oeuvres peut être rattaché à cette démarche. Wim Delvoye insiste sur sa volonté de créer des œuvres d'art qui soient identifiables par tout un chacun, expliquant ses choix par le fait que " n'importe qui sait ce qu'est une pelle ". D'où l'importance des objets quotidiens dans ses réalisations.

Quotidienneté et universalité.
Peut-être les
Vitraux sont-ils plus particulièrement à rapprocher de la tradition de la peinture de genre flamande, autour de l'idée que la représentation du générique prime sur celle de l'individuel identifié. A travers les rayons x, en effet, chacun apparaît comme plus ou moins identique à son partenaire, et à l'ensemble du genre humain : pas de visage, pas de couleur de peau, pas d'identité autre que sexuelle. De même, selon Todorov, la peinture de genre se caractérisait, contrairement au portrait, par le fait que le regard se porte davantage sur la société (voire sur l'humanité) dans son ensemble que sur l'identité de la ou des personnes représentées. Si, à ce mode de représentation des figures humaines qu'est la peinture de genre, on compare le portrait, on s'aperçoit que celui-ci change de statut selon qu'on le regarde en rapport avec son modèle ou sans en tenir compte. Au départ le portrait est une commande du modèle ou de son entourage, et il est destiné à décorer les murs de sa maison, donc aussi à être vu par ceux qui connaissent le prototype. L'exigence première à son égard est la ressemblance (...). Dans ces circonstances, le portrait désigne des êtres individuels, dans un point précis du temps et de l'espace. Une fois cependant que le portrait se sépare du modèle, on commence à le juger selon le contrat de la peinture de genre : on n'y recherchera plus l'individu, mais un type d'homme, ou un type d'attitude à l'égard de la vie ".

Cette perspective générique, universaliste, c’est précisément celle de
Wim Delvoye : " l'anus, déclare-t-il, c'est ce que nous partageons tous " .