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___Duchamp - Rotative Plaques Verre (Optique de Précision), 1920

 




 
  Rigolo
 

 

Si la machine de Wim Delvoye a pour aïeules les machines volantes de Léonard de Vinci, elle a pour aussi pour cousines les rotatives de Duchamp: il s’agit de disques sur lesquels sont tracées des figures circulaires et qui, mis en mouvement, créent des effets d’illusion optique. Mais ici, la proximité de Wim Delvoye avec Duchamp réside moins dans la question de l’optique que dans la démarche par laquelle l’artiste se rapporte à la science.
En effet, Duchamp s’intéressait à l’optique en tant qu’elle faisait partie de ces « sciences amusantes » , au même titre que les probabilités qui lui inspirèrent un système de pari à la roulette qui devait permettre de gagner à chaque fois. Comme Duchamp, Wim Delvoye est de ces artistes pour qui l’esprit ludique est un ingrédient à part entière du processus de création: « je suis comme un enfant » avoue Wim Delvoye quand il nous parle de la manière dont sont élaborés ses radiographies ; d’une certaine façon, dit-il, l’art, « c’est du mécano ». Il s’agit d’entreprendre des œuvres difficiles à réaliser, pour lesquelles il faut inventer des solutions. Wim Delvoye raconte ainsi avec délectation comment il a surmonté les obstacles rencontrés dans la réalisation de certaines de ses œuvres. - Dans ses radiographies, par exemple, pour rendre visibles certaines parties du corps normalement invisibles aux rayons X , notamment le pénis, organe dépourvu d’os, il a ainsi eu l’idée de les badigeonner de crème nivéa mélangée avec du barium de sulfate, substance utilisée en radiographie pour rendre certains organes visibles à la radio !...
Faire avec la science et la technologie, donc, mais avant tout – faire avec humour. Les œuvres de Wim Delvoye sont d’abord un discours contre toute tentation de se prendre au sérieux. Par là, ses créations technologiques les plus sophistiquées, vitraux ou Cloaca, rejoignent les bricolages les plus explicitement, les plus immédiatement drôlatiques – des nichoirs sado-maso, aux cochons tatoués.
De ce point de vue, s’il fallait chercher une parenté au travail de Wim Delvoye dans l’art moderne et contemporain, c’est sans doute du côté de Dada, ou de Fluxus qu’il faudrait se tourner. Mais plus besoin désormais de mettre des moustaches à la Joconde, ni de l’envoyer dans l’escalier – les artistes du siècle dernier s’en sont chargés.

Cependant il y a, comme alors, une bonne dose d’iconoclasme dans son humour, volontiers corrosif : de l’emphase « Land-art » amplifiant des informations triviales (- « les lasagnes sont au frigo », sur muraille géante), ou de l’anal Kiss, qui rejoue l’empreinte corporelle (moins le lyrisme, ou l’esthétisme des Grandes Anthropomorphies), au Saint-Etienne gardien de but ( placé là, sans aucun doute, pour exciter notre désir d’exécuter une bonne fois pour toutes cette agaçante figure de martyre – d’exploser le précieux et fragile vitrail) - c’est à chaque fois un monde – au sens où N.Goodman parle de l’art comme art de faire des mondes – qui en prend pour son grade. Rigolo, donc, l’humour de Wim Delvoye , mais pas juste pour rire ; pas inoffensif du tout. Dans ce sens, la machine Cloaca comme chef d’œuvre deWim Delvoye ( - qui ne refuse pas – avec l’humour qui convient – cette appellation -), c’est aussi, plus que l’art pour lard, ou l’arrhe ; c’est une gigantesque métaphore ironique sur ce que c’est que faire de l’art. Et si nous (sou)rions, (jaune), devant de telles œuvres qui agissent dans l’humour et la dérision, c’est peut-être tout simplement parce que ici, sans doute, le roi est nu.