Wim Delvoye convoque toutes
ces techniques, des plus archaïques aux plus avancées, dans un esprit
d’invention, d’expérimentation, les associant
pour produire des combinaisons inédites.
Le vitrail et la radiologie par exemple, renvoient à des
catégories de savoir-faire déjà existants
que Wim Delvoye réinterprète pour produire une
réalité nouvelle: le vitrail-rayons X. Il en va
de même de la Rose des vents, nouvelle version du télescope
mêlant l’optique et la statuaire, et des mosaïques
en charcuterie, qui constituent un nouveau genre de mosaïque
généré par traitement numérique de
l’image.
Avec Cloaca, à partir de l’orchestration de compétences
multiples, Wim Delvoye engendre une machine dotée d’une
fonction inédite dans le monde de l’art, celle de
tube digestif artificiel. Cloaca est plus qu’un agencement
mécanique capable de mouvement, c’est une machine
inventée, à la manière des machines volantes
de Léonard de Vinci ; toutefois,
la machine ainsi conçue
n’est pas de ces automates sans
vie que nous décrit
Descartes ; elle impose bien plutôt une vision
géniale de l’artiste, car
elle est création d’une
fonction nouvelle, elle est invention.
Il y a quelque chose de prométhéen dans cette entreprise
d’invention qui consiste à fabriquer une créature
et, à la manière de Dieu, à lui insuffler
une raison d’être en même temps que le mouvement.
Cloaca est tout entière tendue vers sa fonction métabolique:
absorber, digérer, évacuer. Par la conjonction
de la science du vivant et de la technologie, elle rejoint le
mythe de l’artiste cherchant à restituer la vie à son œuvre,
tel Pygmalion qui
finit par tomber amoureux de sa statue, ou le peintre du Chef
d’œuvre inconnu de Balzac,
qui sombre dans la folie pour avoir voulu réaliser un tableau
qui serait la vie même.
Par là, l’artiste rejoint un des grands rêves
de la Science, celui de créer une vie artificielle à la
manière du docteur Frankenstein générant
la vie dans la matière inanimée à partir
de la force électrique de la foudre.