4 rue Saint-Jean
Opération : Etude du bâti
Dates de l'opération : décembre 2012 à décembre 2014
Période(s) d'occupation : Médiévale, Moderne, Contemporaine
Opérateur : Service archéologique de la Ville de Lyon
Aménageur : Immobilière Soufflot
Au début du XIVe siècle, l’actuel 4 rue Saint-Jean se situe à l’intérieur d’un vaste tènement s’étendant sur une large zone comprise entre la montée Saint-Barthélemy et la rue Saint-Jean. La fragmentation de sa partie orientale s’amorce en 1374 suite à plusieurs transactions foncières. L’une des parcelles résultantes, le futur 4 rue Saint-Jean, sera acquise par Humbert de Varey et Humbert de Bourg. Ils se partageront « pour moitié » la propriété d’une maison décrite comme « aute et basse » en 1388. De cette époque, le 4 rue Saint-Jean n’a conservé aucun corps de logis. Néanmoins le mur nord du bâtiment du fond semble hérité de ces premières constructions au moins jusqu’à son troisième étage. On y observe en effet un pan de mur muni de fenêtres tournée vers le nord et antérieur au bâtiment mitoyen édifié au XVe siècle au 5 rue Gadagne.
En 1493, Martin Guillaume étend la propriété dont il hérite (4 rue Saint-Jean) par l’acquisition de la parcelle voisine située au nord (2 rue Saint-Jean), et d’une partie des terrains au sud-ouest (6 rue de la Fronde). Son héritier Jean Guillaume et sa femme Clémence Bullioud récupèreront le lot du 4 rue Saint-Jean et déclareront y avoir établi domicile dans une « maison haute, moyenne et basse » en 1516, avant de préciser en 1528 qu'elle se compose d'un « arc de boutique et d'une entrée, de deux chambres l'une sur l'autre et du grenier ». Ces quelques bribes de description ne font visiblement référence qu’à l’un des corps de logis constituant l’actuel 4 rue Saint-Jean, probablement celui bordant la rue. De ce dernier, il ne demeure aucun vestige visible car il sera totalement reconstruit au cours des siècles suivants. Il occupait certainement toute la largeur de la parcelle et il comportait au moins trois étages desservis par une galerie (en bois ?) à laquelle on accédait depuis la tour d’escalier située dans la cour. Ces quelques éléments coïncident parfaitement avec la description faite de la maison en 1528.
La tour d’escalier a conservée une partie de ses maçonneries d’origine. Sa construction remonte au XVe siècle. Elle s’élevait alors sur hauteur d’au moins 18 m et était éclairée par de larges baies rampantes. Son entrée était située à l’est, au bout de l’allée joignant la cour à la rue. La tour, qui a conservée ses portes palières originelles, comportait au moins sur trois étages et desservait déjà l’ensemble des corps de logis : le bâtiment sur rue par l’intermédiaire d’une galerie dont nous n’avons plus trace, et les deux bâtiments situés sur l’arrière.
Les deux corps de logis occupant la partie occidentale de la parcelle du 4 rue Saint-Jean ont donc aussi été construits au cours du XVe siècle et ont tous les deux conservés des vestiges de cette époque. Le bâtiment occupant le fond de la parcelle s’élevait sur trois étages. A l’ouest, son rez-de-chaussée comportait un arc de boutique au nord et il était probablement traversé par une allée au sud. Depuis cette allée, une porte donnait accès aux pièces du rez-de-chaussée. Le premier et le second étage étaient éclairés par de grandes fenêtres à remplage ; ils étaient couronnés par un étage attique. On accédait alors à ce bâtiment depuis la tour d’escalier donnant sur la première cour, via un couloir longeant le mur nord du bâtiment intermédiaire. Ce dernier corps de logis n’a conservé de cette période que son rez-de-chaussée. Sa façade sud comportait une porte latérale, à l’est, et deux fenêtres groupées, à l’ouest. Quant au rez-de-chaussée de sa façade orientale, il n’était doté que d’une seule fenêtre logée entre la tour d’escalier et l’angle du bâtiment.
Au décès de son mari, Clémence Bullioud, devenue seule propriétaire du 4 rue Saint-Jean, reconnaît louer une boutique à Étienne Debourg et partager la moitié de sa maison avec Madeleine Camus et Néry Dubois jusqu'au rachat de l'ensemble par ce dernier, qu'il déclare posséder seul en 1551. Par la suite, Mathieu Vaillant, puis ses héritiers tiendront en propriété le 4 rue Saint-Jean, ainsi qu’une partie du 6 rue de la Fronde jusqu’en 1586 au moins. La partie ouest (le 6 rue de la Fronde) sera revendue aux alentours de 1590 à Jean Mellière. Au cours de cette période, le 4 rue Saint-Jean connait une importante campagne de travaux qui modifie en profondeur la tour d’escalier. Celle-ci est dotée d’une nouvelle porte ouverte sur la première cour, les grandes baies rampantes des deux premiers niveaux subissent une profonde réfection et deux autres sont bâties sur le même modèle au 3e et au 4e étage. Dans la cage d’escalier, la vis est entièrement reconstruite, tout en l’adaptant aux portes palières préexistantes et héritées de la fin du Moyen Age. Cette tour dessert désormais, à l’est, une galerie nouvellement construite sur une hauteur de quatre étages en remplacement de la galerie de la fin du Moyen Age. Au sud de la cour, une seconde galerie, à double travée, est également édifiée à la même époque. Elle pourrait avoir été bâtie afin de créer une liaison directe entre le bâtiment sur rue du 4 rue Saint-Jean et le corps de logis du 2 rue de la Fronde mitoyen de la galerie. De ce côté, ce dernier immeuble comporte encore actuellement des bâtiments de style gothique (XVe voire début du XVIe siècle) sur trois étages. Au cours de la seconde moitié du XVIe siècle, la construction d’un nouvel immeuble au 6 rue de la Fronde a également impactée la façade occidentale du 4 rue Saint-Jean désormais bordée par la cour du nouvel immeuble. Ce dernier comporte notamment un petit bâtiment étroit adossé à l’extrémité nord de la façade arrière du 4 rue Saint-Jean. Cela a engendré des modifications sur cette façade et notamment la suppression de fenêtres dans les étages et la réduction de l’arc de boutique au rez-de-chaussée. Ces travaux ont été facilités par le fait que le 4 rue Saint-Jean et le 6 rue de la Fronde ont appartenus aux mêmes propriétaires jusqu’en 1590.
En 1618, Marin Daussarin se porte acquéreur du 4 et du 2 rue Saint-Jean, mais la détention simultanée de ces parcelles mitoyennes sera de courte durée, puisque dès l'année suivante il revend le 4 au profit de Michel Particelli, et conserve la seconde partie du lot. En 1646, Pernette Arcy, femme de Sébastien Vaniny, apothicaire de son état, possède une moitié de maison au 4 rue Saint-Jean toujours décrite comme haute, moyenne et basse. En 1656, Edouard Berthaud, maître apothicaire s’acquitte de 5000 Livres pour l’achat de la partie de maison détenue par Ysabeau Daussarin et Anthoine Montrozat, qu’il partage désormais avec Pernette Arcy et Sébastien Vaniny. Enfin, perdurant dans la tradition des apothicaires, Claude Berthaud et Joseph Després déclareront chacun détenir une partie de la maison en 1692. Ils livreront de manière séparée la description de leurs possessions.
Au cours du XVIIe siècle, d’importants travaux sont réalisés. La façade occidentale du bâtiment sur rue est entièrement reconstruite. Les étages du bâtiment situé au centre de la parcelle sont aussi totalement rebâtis et une nouvelle porte est ouverte sur la première cour. Ce nouveau corps de logis compte toujours deux étages pleins surmontés d’un étage attique.
Le bâtiment occupant le fond de la parcelle subit également un certain nombre de modifications au cours du XVIIe siècle, essentiellement suite à l’aménagement d’un large passage voûté (« traboule ») à l’extrémité sud de son rez-de-chaussée. Ces travaux ont engendrés, à l’ouest, la restructuration du rez-de-chaussée et le remplacement de l’arc de boutique par deux petites fenêtres groupées. Enfin, le sommet de la tour d’escalier est rebâti et un belvédère desservi par une échauguette y est aménagé. La tour culmine désormais à plus de 23 mètres de hauteur.
Les importants travaux réalisés durant le XVIIe siècle ont été accompagnés par un changement de décor dont nous ne connaissons pas l’étendu mais particulièrement bien conservé dans l’allée principale de l’immeuble où la voûte en berceau présente un décor de fausses croisées d’ogives entre lesquelles viennent s’intercaler des représentations de ferronneries, des fleurs stylisées et quelques coupes garnies de fruits.
En 1736, Jean-Baptiste Marthelot, marchand demeurant rue des Orfèvres, déclare posséder une maison haute, moyenne et basse pourvue de deux cours et d'un puits. Cette description semble assez proche de la constitution actuelle du 4, rue Saint-Jean. D’importants travaux ont de nouveau lieu au cours du XVIIIe siècle. La façade sur rue du premier bâtiment est entièrement rebâtie dans un style de la Renaissance au cours de la seconde moitié du siècle. Pour ce faire, la nouvelle façade réutilise quantité d’éléments en remplois provenant de l’élévation antérieure. C’est aussi au cours de ce siècle que les intérieurs des bâtiments arrière sont réunis, que leur étage attique est surélevé et que le bâtiment intermédiaire est couronné par un nouvel étage attique. La galerie sud est elle aussi surélevée d’un niveau et sans doute désormais reliée au corps de logis intermédiaire. Plusieurs fenêtres sont réaménagées dans les parties anciennes du bâtiment du fond, tant sur sa façade orientale dont la travée unique est presque entièrement rebâtie, que sur sa façade occidentale.
Les dernières transformations importantes apportées aux corps de logis constituant le 4 rue Saint-Jean ont lieu au cours du XIXe siècle ou de la première moitié du siècle suivant. Elles ont consistées à surélever d’un niveau ou d’un demi-niveau les bâtiments situés à l’arrière qui comptent désormais chacun quatre étages entiers. Un petit bâtiment à pans de bois est construit au-dessus de la seconde cour afin de relier la galerie sud au bâtiment intermédiaire. Enfin, plus tardivement, ce dernier bâtiment sera de nouveau rehaussé de deux petits étages, en retrait de la façade et confinés entre la tour d’escalier, à l’est, et un pan de mur isolé hérité de la fin du Moyen Age, à l’ouest.