« Or écoutez ci-après, donc
Ce qu'il advint au vilain
Sur un coussin tout plein d'estrain [de paille]
Qui se grattait auprès de feu
Et sa femme assise en son lieu
De l'autre côté, sur une
natte ;
Et le vilain, qui se dégratte,
Empoigne sa couille et son vit
Sa femme appelle, qu'il vit.
Soeur, fait-il, foi que vous me devez,
Devinez, si vous savez,
Ce que je tiens là, en mon poing ?
Et celle qui n'était pas si loin,
Lui répond qu'elle n'est pas couarde,
Que le mauvais feu vous la arde [brûle]
Je crois que cela est votre andouille.
Par mon chef, non, mais c'est ma couille
Fait le vilain qui git souvine [couché]
Vous n'êtes pas bonne devine!
La dame très tout coitement [secrètement]
Tâte son cul isnellement [aussitôt]
Elle y trouve alors une crotte
Qui ressemble à une machelotte,
Qui était plus grosse qu'un pois.
A soi la tire demanois [tout de suite]
A tout le poil, à soi la tire
A son seigneur commence à dire:
Sire, dit-elle, je gagerais
Avec vous, si gagiez m'y devais,
Qu'en trois mots vous ne devineroit
Ce que je tiens entre mes doigts ?
Et j'y mets denrée de vin !
Par saint Martin ! fait le vilain.
Et là fut faite la fermaille [l'accord].
Et celle-ci la crotte lui baille [donne]
Le vilain la prend, puis la tâte,
Par le coeur bleu, fait-il, c'est pâte !
Qu'où donc avez-vous trouvée ?
Par ma foi c'est mensonge prouvé
Fait la dame moult hautement
Vous mentez au commencement.
Maintenant vous n'avez que deux mots à dire.
Par le coeur bleu, fait-il, c'est cire !
Parce-qu'il la sent un peu molle.
Par foi, cela est fausse parole,
Fait celle qui le tient pour sot,
Désormais vous n'avez à dire qu'un mot.
Et celui-ci en sa bouche, dedans
La met et mâche entre ses dents,
Par la peur qu'il a de perdre.
Par le coeur bleu, fait-il c'est merde !
Je m'en puis bien apercevoir.
Par mon chef, vous avez dit voir [vrai]
Fait la dame tout à estrous [sur-le-champ]
Jamais je ne gagnerai avec vous.
Le diable vous a fait devin, j'ai perdu denrée de vin. »