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___Wim Delvoye - B33, 1999-2000
 
  Humanisme
 

 

De même que certains ont eu pour mot d’ordre « le retour à la chose même », il s’agit pour Wim Delvoye de d’abord « poser notre anus par terre » - ce qui dans une large mesure a moins à voir avec l’anus proprement dit qu’avec ce que l’anus peut représenter , mais que nos sociétés occultent, à savoir son caractère de plus petit dénominateur commun de l’humain ; (c’est à dire modestement, mais sûrement humain).
C’est donc ici, non pas de scatologie, mais d’une certaine forme d’humanisme qu’il est question.

La volonté de voir à l’intérieur du corps à l’œuvre dans le travail de Wim Delvoye, manifeste dans l’usage des savoirs et techniques scientifiques comme la chimie et la radiographie, va de pair avec une volonté de comprendre le vivant, et une certaine forme de célébration de son dynamisme. Le métabolisme, par exemple, n’est rien d’autre qu’une lutte perpétuelle contre la mort. Dès lors, la considération du corps dans sa dimension biologique, sa représentation dans l’exercice de ses fonctions vitales relève d’un projet qu’on peut qualifier d’humaniste.

« L’anus, c’est ce que nous avons tous en commun » déclare Wim Delvoye quand on lui demande la raison du caractère récurrent de ce motif dans son œuvre. Il désigne en effet quelque chose d’universel, un peu comme le sexe, quelque chose qui nous parle de la condition humaine. Duchamp disait de l’érotisme: « je crois beaucoup à l’érotisme, parce que c’est vraiment une chose assez générale dans le monde entier, une chose que les gens comprennent.» Mais il y a un degré supérieur de généralité dans l’anus: alors que la dimension sexuelle du corps bascule très facilement dans l’affirmation d’un genre, c’est le cas par exemple dans les travaux de Gina Paine ou d’Annette Messager, où il s’agit avant tout du corps féminin, l’anus est génériquement neutre en tant qu’orifice commun à tous - ce qui ne signifie nullement qu’il échappe à l’érotisme. Une œuvre comme
Anal kiss, série d’empreintes de sphincters réalisées au rouge à lèvre, est bien du côté de l’érotisme anal ; tandis que la Rose des vents évoque davantage l’univers de la scatologie. L’anus se substitue au symbole phallique, parce qu’il est plus polyvalent, il est à la jonction des phénomènes majeurs de l’humain: l’érotisme, la digestion, la scatologie. Cloaca est donc bien un geste anthropologique: parce qu’elle est un tube digestif sans corps, sans signe distinctif, elle est l’anus le plus neutre, l’anus universel.