Wim Delvoye
revendique, au premier ou au second degré,
l’héritage d’une culture locale – une
appartenance à une communauté humaine et artistique.
Or il existe bien un humour, un art de l’auto-dérision,
un sens de l’absurde spécifiquement belges ; un
art aussi sans doute, de traduire un goût pour la matière,
dans un certain commerce décalé des mots et des
choses.
Au jeu des 7 familles esthétique, dans la « famille
Wim Delvoye », on trouverait sans doute par exemple Broothaers :
lui aussi, jouait sur des objets très étroitement
connotés « belges », sur les clichés,
les crispations idéologiques qu’ils cristallisent
- ses moules sont parentes des bonbonnes
de butagaz aux
décors
de Delft ; un humour qui n’a pas peur de l’abject,
et qui le distancie. Comme Cloaca, son œuvre invitait déjà,
de façon récurrente, à réfléchir
sur les circuits de l’art, l’art et l’argent
( « - moi aussi, je me suis demandé si je ne pouvais
pas vendre quelque chose », déclarait Broothaers à l’occasion
de sa première exposition…), sur le mode de la dérision.
On trouverait même, dans le rôle du grand-père… Magritte ;
un Magritte dont le Déjeuner
en fourrure de
Meret Oppenheim serait l’héritier. Bien sûr, Wim Delvoye n’est
pas « surréaliste » ; mais il y a chez lui
un échange permanent des règnes, une perturbation
systématique des rapports entre les images, les objets,
et les mots – une représentation d’objets à lire,
sur le mode de la condensation, du déplacement ou de la
déliaison – qu’il s’agisse d’ailes
d’ange sur les fesses d’un cochon,
ou des « lettres
d’amour d’un jeune arabe à une jeune belge » en épluchures
de pommes de terre – figures inaugurées dans l’univers
des surréalistes belges ; avec aussi, ce jeu avec un certain
académisme de la représentation, ce goût
du fini et du « net » propre à leurs
images .