Wim Delvoye parle volontiers de
l’aspect économique
de son œuvre: les produits dérivés de la machine,
mis sous vide et estampillés du Logo Cloaca, constituent
un bon investissement pour des amateurs d’art contemporain
relativement peu fortunés ; mais d’un autre côté,
dit-il, « il ne faut pas que ce soit trop démocratique
non plus », sinon l’œuvre perd de sa valeur.
Il s’agit bien pour les acheteurs de faire un bon placement
; du reste, Wim Delvoye envisage de coter Cloaca en bourse...
Mais
la commercialisation des produits dérivés a aussi
pour fonction d’amortir la réalisation de la machine
elle même, car pour reconstituer artificiellement un tube
digestif humain, Wim Delvoye a du s’endetter et notamment
vendre ses Duchamp.
C’est que la production
artistique coûte cher: de
nombreuses œuvres de Duchamp par exemple furent en effet
conçues comme moyen de financer la réalisation
d’autres œuvres: des édition de luxe des boîtes
en valise furent ainsi vendues à ses amis fortunés,
il créa aussi une société anonyme de pari à la
roulette pour laquelle il émit des obligations, lesquelles
prenaient elles mêmes une forme artistique ; Duchamp s’était
ainsi auto-proclamé « notaire-artistique de son œuvre »… Il
ne s’agit pas ici de faire de l’argent, mais de se
donner les moyens de produire.
L’inscription de l’art dans le circuit de la production économique
va de pair dans le cas de Cloaca avec un débordement de
la sphère artistique sur d’autres sphères
de la production: ainsi Wim Delvoye a été sollicité par
des groupes de l’agro-alimentaire qui voulaient acheter
une telle machine pour tester leurs produits. Mais Wim Delvoye
a refusé, comme il a refusé d’exposer Cloaca
dans les musées de la science: le marché de l’art
garde sa spécificité au sein du marché tout
court.