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Ravissement, émerveillement, surprise, joie, beauté… les réactions des enfants devant certaines configurations d'espaces ont été fréquemment relevées par les adultes, qui le racontaient parfois eux-mêmes avec le même ravissement dans le regard ou le sourire. Pour l'enseignant(e), c'est clairement « quelque chose de différent de ce qu'un enseignant peut proposer » : nous avons affaire à un « univers », terme large qui signifie l'amplitude des propositions faites par les artistes (celles des enseignants seraient-elles, par contraste, peu amples ?). C'est aussi une variation importante de l'espace scolaire habituel, généralement constitué d'un adulte faisant dos au tableau, face à un groupe d'élèves.

La variation est d'abord matérielle : pour le cirque, les élèves découvrent avec étonnement le lieu, un plateau neuf aux Subsistances, et les supports de travail : un fil de fer sur pieds, des gros ballons rouges, des quilles, des foulards, des pédalgo [objets à quatre roues, à gauche sur l'image de gauche ci-dessous].

Ailleurs, une plasticienne fait livrer par camion un long tube de métal argenté, « tunnel » dans lequel chaque enfant passera. Ce sas est approvisionné par les élèves, sur proposition de l'artiste, comme une mémoire des matières et matériaux explorés. De la même manière a fonctionné le regroupement autour du bac appelé « bateau », dont le contenu a servi de base à la création des élèves : l'artiste suscite un imaginaire à partir de la mise en relation de matériaux usuels divers avec la notion de « paysage ». L'installation de l'atelier et l'aménagement de l'espace s'inscrivent ici dans un ensemble que donne à voir le projet (un « transport vers l'imaginaire »), proposé par l'artiste : « la volonté artistique du projet est avant tout d'amener les enfants dans un univers imaginaire pour aborder une multitude d'histoires qui serviront de base à une démarche de création ».

L'intérêt de l'installation artistique surgit de l'écart dynamique entre le fait qu'il s'agit d'un ordinaire pour l'artiste, et d'une surprise pour les enfants (et les autres adultes que l'artiste). Celui-ci n'ignore pas, bien entendu, les effets que ces installations sont susceptibles de produire, puisque proposer une forme, la mettre en scène, fait partie intégrante de son travail : ici, quelque chose est "prêt pour", qui attend les élèves ; ceux-ci, dans certains cas, à l'entrée dans les lieux, étaient silencieux, presque admiratifs.



Dans l'extrait vidéo qui suit, on voit deux artistes, une chorégraphe et une plasticienne préparer une séance commune. L'installation comme prélude à l'activité s'accompagne d'une préparation qui peut s'appuyer sur des cahiers où sont notées ou dessinés des intentions. Si l'on excepte les positions des corps et les éléments contenus dans les cahiers, il y a là un point commun avec l'enseignant(e) : l'anticipation de l'activité à venir, avec mentions de modalités de regroupement et de contenus à travailler.

Cette préparation s'accompagne aussi parfois d'un exercice physique particulier. Ainsi la chorégraphe, tandis que son cahier fermé repose au sol, s'étire assez longuement, en silence, avec beaucoup de concentration (au sens doublement physique et mental). À ce sujet, elle déclare : « Dans mon travail, je sais que je prends un long temps de préparation, par exemple avec les danseurs, de concentration. Parce que pour moi, c'est important de rentrer dans un certain état physique et mental de disponibilité, de calme, de réceptivité, de sensibilité. Tout ça, ça fait partie du travail ».