Exploration et réflexivité

Lors d'une séance de danse avec des élèves de moyenne section, l'artiste construit une série de gestes à partir du jeu de « la machine infernale ». En vue d'une danse originale, chaque enfant est invité à proposer un geste que l'artiste inscrit dans une série, que le groupe répète. Dans la première partie de la vidéo ci-dessous, l'artiste a pris en compte un geste qui n'était visiblement pas un choix intentionnel (au sens artistique) de l'enfant, mais qu'elle a intégré, faisant de ce petit détail un élément créatif. Voir ci-dessous les vidéogrammes de cette première partie de la vidéo.

Dans la seconde partie de la vidéo, l'enseignante, qui n'a pas assisté à la séance de danse (l'école a fait le choix du travail en demi-groupes : l'artiste et l'Atsem en danse, l'enseignante en classe), effectue une « reprise ». Elle travaille avec les mêmes enfants leur apprentissage du langage, sous forme orale. Chaque enfant est invité à verbaliser à propos de son geste.

L'artiste : Alors, Jules, à toi. C'est parti.

[Silence]. Mais Jules fait le timide.

Son voisin de gauche semble s'apprêter à faire le geste, sans doute avec l'intention de le faire inclure dans la série

Ce même voisin énonce une brève expression se terminant par « ça », accompagnée d'un geste soulignant le geste de Jules.

L'artiste encourage l'enfant : « Vas-y Jules »

« Tu crois que tu veux qu'on fasse comme ça ? »

L'artiste construit le sens en prenant le temps de s'assurer auprès de Jules que le geste sera bien celui-là. « On fait ça ? », dit-elle en approuvant de quelques mouvements de tête souriante.

Le geste entame la série. Tous les enfants s'y mettent, y compris Jules: « Un », puis surviendra le deuxième geste, et ainsi de suite.

Ces moments sont en fait inscrits dans un dispositif plus large, élaboré dans le cadre de l'équipe éducative. Ainsi, plus tard, la même enseignante fait travailler les élèves sur le langage, mais sous forme écrite cette fois. Ce travail consiste à faire dessiner chaque enfant à propos de ce même geste.

Dans les images ci-dessous (extraites d'une vidéo), le dialogue qui s'enclenche entre l'enseignante et une élève sur la première image, scène classique de dispositif scolaire primaire, évolue vers un rejeu de l'action réalisée par l'élève pendant la séance danse.

L'enseignante dit à la fillette en bas à droite :
« Tu réfléchis à ta position d'abord »

Puis elle lui demande de retrouver l'action, à partir de la description initiale formulée par l'enfant :
« Tu avais la tête en bas »

L'enseignante fait retrouver le mouvement grâce à la perception (ici, le toucher) : « après, tu avais tout ton dos et ton corps comme ça () d'accord ? Tu essayes de faire ça ? [sur ton dessin]
" Oui. "

Avant que l'enfant s'en aille, l'enseignante la retient un instant de nouveau sur la perception :
« Est-ce que ta tête les yeux, le nez, la bouche, ça regarde en haut ou ça regarde en bas ? »
En bas.

Toujours soucieuse que l'élève construise un ressenti, l'enseignante lui frotte le dessus de la tête :
« Et là on voit quoi alors ?
Les cheveux. »

« Bon, alors il faudra qu'on voit ça, nous, [sur ton dessin] hein ?
Ouiii »

Faire exprimer ce qui a été fait et vécu, le dessiner, faire rejouer l'action pour représenter le corps dans l'espace : une même scène se joue à différents endroits, sur différents supports, selon différentes modalités pédagogiques. L'ensemble s'expose dans le couloir, sur les cloisons extérieures de la classe concernée.

Finalement, au vu de cet exemple, le terme de « reprise » paraît inapproprié. De même, parler d'« allers-retours », de « va-et-vient » entre « l'atelier et la classe » renvoie l'image d'un processus linéaire et bipolaire, là où on observe plutôt des circulations entre des formes, des lieux, des espaces-temps.

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