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L'art, les arts

Une Ă©quipe d'Ă©cole souhaitait, Ă  l'origine, un projet « théâtre Â». Ce sera finalement un projet « musique Â», idĂ©e portĂ©e par la directrice. La qualitĂ© de la relation entre enseignants et artiste semble avoir pâti de ce problème initial.

Ainsi, au fil du temps, le clivage artiste-enseignant semble s'être accentué ; chacun se retranche sur son territoire tout en enfermant l'autre dans une représentation figée :
« Je pense que c'est assez typique du monde de l'enseignement… vu qu'ils transmettent le savoir aux enfants, ils pensent que le savoir, ils l'ont. Et moi, y en a un qui m'a dit : "T'es pas un artiste. Un artiste, je sais ce que c'est : il était responsable d'une galerie de peintures, donc régulièrement il programmait des artistes. Il me disait : "Moi, des artistes, j'en vois régulièrement ; t'en n'es pas un". (...…) Ce milieu d'instits… ce sont des gens qui sont souvent tournés vers la culture. Ces gens-là, ce sont ceux qui remplissent les théâtres, les Biennales de la danse… Ce sont des gens cultivés, incontestablement. Mais entre être cultivé et savoir comment fonctionne un artiste, ce n'est pas pareil ».

L'artiste cherche également à démystifier la vision idéalisée que certaines personnes ont de l'artiste : « Moi, je me suis toujours défendu d'être un "artiste", je n'aime pas l'idée, ça veut dire quoi ?, j'en sais rien. Et puis comme tout le monde, je me lève le matin, je vais me laver les dents, je prends mon petit déj' Quand je disais les choses comme ça, on disait : "Ben oui, en effet, c'est pas un artiste, on a l'impression qu'il fait son boulot comme s'il était plombier ».
La fermeture des territoires respectifs génère ainsi une exacerbation des stéréotypes : l'enseignant "qui sait tout", l'artiste qui n'est pas reconnu comme homme "ordinaire". D'après l'artiste, ces représentations figées tiennent aussi à l'outil qu'il emploie : l'ordinateur. L'aspect technique de son travail n'est pas perçu comme quelque chose d'artistique : « Et je pense que c'est beaucoup dû, malgré tout, à l'intermédiaire technologique de mon travail. Il y a un intermédiaire qui s'appelle l'ordinateur. Et l'ordinateur, elles y comprennent rien ».

Du fait de la faible relation entre les partenaires, l'artiste constate une dérive de sa fonction : « Et puis souvent, comme les enseignantes sont réticentes à ce côté technique, je donnais un coup de main pour remplacer une cartouche [d'imprimante] ou autre…. C'est devenu une habitude ; je n'étais pas là pour ça, mais on me le demandait gentiment…. J'étais devenu le technicien, pas l'artiste.… Après, on me dit "t'es un technicien, pas un artiste… ». 


L'échec de cette collaboration tient donc à la fois à :
  • l'insuffisance d'un consensus sur la nature du projet initial ;
  • des reprĂ©sentations conflictuelles quant Ă  la dĂ©finition de l'art ;
  • une reprĂ©sentation figĂ©e des identitĂ©s professionnelles (enseignant / artiste).


Une solution de raccroc...

Face à cette situation de blocage, une partie de la relation pédagogique a été prise en charge par une des ATSEM. L'artiste a en effet vu se développer une relation avec elle.

Pourtant, au dĂ©part, elle n'Ă©tait lĂ  « que pour accompagner les gamins et veiller Ă  ce que ce ne soit pas le bordel, qu'ils se tiennent calmes Â».  Et au fil du temps, « elle a fini par s'investir. (Â…...) Elle venait souvent avec le groupe d'enfants, elle anticipait quand je faisais un travail avec des gamins, c'est elle qui anticipait des questions, qui rebondissait sur une rĂ©flexion d'un gamin, elle rebondissait avant, mĂŞme. 
Et c'Ă©tait quelque chose de bien, parce que justement, moi, j'avais mon boulot d'artiste qui proposait quelque chose, les enfants me renvoyaient ce qu'ils entendaient aussi par rapport Ă  ça. Et puis souvent, je ne savais pas forcĂ©ment rebondir par rapport Ă  ce que me disait un gaminÂ… Je suis pas pĂ©dagogue, c'est pas mon mĂ©tier ; je peux imaginer des petites choses, mais j'ai pas rĂ©ponse Ă  tout par rapport Ă  des enfants, ce qui est normal. Et quand je bossais avec cette ATSEM-lĂ , elle, paf !, qui connaissait bien les enfants, qui Ă©tait engagĂ©e dans ce processus pĂ©dagogique, paf !, elle rebondissait, et lĂ , j'ai fait un truc super bien avec une classe Â». 

Le fait que l'artiste se dise lui-même « pas pédagogue »  en parlant de sa relation avec l'Atsem, et les termes qu'il emploie pour qualifier cette relation, attribuent en fait à l'Atsem un rôle pédagogique, place laissée vacante : « Quand un enfant me disait un truc, je sentais que, de moi il attendait quelque chose ; et quand l'Atsem était là, elle avait le truc, elle posait une autre question, tchac !, elle savait comment apporter une réponse. Et donc ça, c'était une relation constructive autant pour le gamin que pour moi ». 

D'autres facteurs peuvent expliquer cet engagement de l'Atsem : son parcours de vie et le rapport à l'art qu'elle entretient, mais aussi la possibilité d'échanger et de participer régulièrement aux activités : « Le projet l'intéressait, et puis peut-être aussi des raisons personnelles. Je veux dire, comme on se retrouvait très souvent, on allait se promener avec les enfants, ils allaient écouter les sons. Ben, je me retrouvais avec elle, on discutait, et puis voilà… Souvent, les choses se passent comme ça. 
On est avec quelqu'un, on discute, et puis on s'entend bien, et puis c'est vrai que c'est quelqu'un de plutĂ´t sympathique, on parlait musique, on parlait du projet (Â…...). Elle s'intĂ©ressait Ă  la musique. Il se trouve que ça lui plaisait bienÂ…. Au dĂ©but, elle venait simplement pour regarder que les enfants ne fassent pas le cirque et au bout d'un moment, ça lui plaisait d'ĂŞtre lĂ -dedans quoi. Elle a pris des initiatives : "Et lĂ , qu'est -ce qu'on entend ?Â… Venez, on va voir lĂ , on entend des choses".