1850-1890, fin du XIXe siècle
La seconde moitié du XIXe siècle représente, en typographie, un incroyable foisonnement. Du côté des caractères « de labeur » (pour la lecture courante), le règne sans partage des Didones est remis en cause par le mouvement du « Renouveau elzévirien », qui retourne vers des modèles d’avant le XVIIIe siècle et surtout d’avant l’ère industrielle. Du côté des caractères de titrage, l’explosion du nombre de polices est immense : tous les styles antérieurs sont revus et corrigés dans le goût du pastiche typique du XIXe siècle. Enfin, l’invention de la machine à écrire, de machines à composer (principalement la Linotype et la Monotype) qui permettent de composer un texte plus rapidement, modifient radicalement le rapport des lecteurs – et des imprimeurs – aux textes.
1890-1918, belle époque
Cette deuxième période correspond à l’éveil d’un style, l’Art Nouveau, en réaction aux « vieilleries » et à l’éclectisme étouffant de la période précédente. D’inspiration florale et végétale, les caractères sont souples, fluides... et très marqués « fin de siècle » : c’est aussi l’époque des romans décadents, de Lautrec et Gustave Moreau. Ce style est connoté comme étant typiquement « français » : la variété des types présentés dans ce corpus vous convaincra que – s’il existe réellement –, le style « français » est bien plus riche que cela. Et il en va de même pour la création typographique des ces années charnières.
1918-1939, entre-guerres
Après les volutes surannées et fin-de-siècle de l’avant-guerre, l’Europe entre violemment dans le XXe siècle avec la Première Guerre mondiale. La typographie s’inscrira elle-aussi dans le mouvement de modernité qui suivra. Si l’expressionnisme et le constructivisme ont relativement peu marqué la création française, l’Art Déco y imposa une forte empreinte, qui survivra bien longtemps après la fin de cette période.
1939-1958, fin du plomb
L’évolution générale de la création typographique de l’après guerre est moins facilement identifiable que dans la période précédente. Suite à l’arrêt net de la production typographique pendant les années de guerre, la création aura du mal à reprendre et relativement peu de nouveautés sortiront des fonderies durant les années 1940. Suite aux regroupements de fonderies, on se retrouve avec deux grandes entreprises qui monopolisent la création française : Deberny & Peignot à Paris et Olive à Marseille. Cette dernière, sous la direction artistique de Roger Excoffon, marquera profondément la typographie de cette période, qui entre de plain-pied dans la société de consommation.
1958-1984, photocomposition
Avec l’invention en 1958 de la photocomposition (par les ingénieurs lyonnais Louis Moyroud, René Higonnet et René Gréa), la servitude des dessinateurs de caractères à ce lourd et coûteux matériau qu’est le plomb va disparaître. Au lieu d’encombrants types en métal, une police de caractères tiendra désormais sur un simple disque léger et maniable. De nouvelles perspectives s’ouvrent pour le dessin de lettre qui, avec l’apparition des écrans (télévision puis ordinateur) s’orientera vers de nouveaux supports. Tout cela est associé à une augmentation très importante de la quantité d’imprimés et à une demande de plus en plus fébrile de nouveautés.
1984-2009, époque contemporaine
Avec l’apparition, en 1984, des premiers Macintosh, la PAO (publication assistée par ordinateur) prend son essor. Une démocratisation sans pareil de la création typographique va s’opérer, chacun pouvant dessiner et utiliser chez soi des polices de caractères extrêmement légères du point de vue du stockage informatique. Des typothèques gigantesques peuvent alors tenir sur un simple CD. Du côté du dessin, on utilise désormais la courbe de Bézier, définissant les tracés par une série de points et de tangentes, et des logiciels comme Ikarus, Fontographer puis Fontlab. Les grandes fonderies traditionnelles françaises ne survivent pas à ce chamboulement, laissant la place à une profusion de petites structures : bien souvent le dessinateur de caractères vend lui-même sur son site Internet les polices qu’il crée.