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Des mots et des choses à plusieurs sens

  • La « consigne Â»
Le plus souvent, avant de présenter la suite d'un travail ou de la faire découvrir et expliquer par les élèves, l'enseignant(e) commence par leur demander ce dont ils se souviennent de la séance précédente, de raconter ce qu'ils ont fait. Vient ensuite l'annonce de la ou des consignes, qui fait partie des gestes du métier. Pour certains artistes, il n'y a là rien de spécifique à l'enseignant :

  • Une chorégraphe : « On m'a même plus ou moins "reproché" que je demandais aux élèves un retour sur ce qu'ils avaient vu, ressenti après une activité, en me faisant remarquer que c'était plutôt là le travail de l'enseignant. Alors que pour moi, ce retour sur expérience fait intégralement partie du travail de danse, c'est une manière d'amener l'élève à mieux observer ce qu'il fait, à lui faire prendre conscience de ce qui est essentiel dans un travail de danse. Ce n'est pas quelque chose en plus qui vient se rajouter : c'est pour ça que je le fais en tant qu'artiste Â».
  • Une plasticienne : « Je commence toujours par rappeler ce qu'on a fait avant. Je rappelle toujours. Il me semble que c'est important de reprendre, on s'en souvient. Comme y a tout d'affiché, tu vois j'aime bien qu'on reprenne un peu, qu'on rappelle l'histoire Â».

Il ne s'agit pas pour autant de fixer une « règle » de fonctionnement. Parfois, les consignes sont annoncées au fil du temps de la séance : « Annoncer ce qu'on va faire, on le fait plus ou moins, c'est-à-dire que je ressens pas non plus le besoin absolu de dire : "Voilà, on va faire ci, on va faire ça. Ça va être comme ci, ça va être comme ça". C'est-à-dire que ça me gêne pas non plus de dire : "Bon on y va", et puis on y va, et de dire au fur et à mesure ce qu'on va faire ».

Une autre artiste trouve que les consignes qui s'enchaînent en début de séance ne sont pas forcément la manière de faire la plus efficace : « Ã‡a part d'une consigne mais, soit elles sont respectées, soit pas du tout. Mais je me suis rendue compte aussi que globalement, je trouvais qu'il y avait beaucoup trop de bla bla, je parlais beaucoup, je disais : "voilà, on fait ça, on fait ça, ça, ça", et du coup mes consignes, elles sont à peine écoutées. Là il faut que je change de méthode, ça c'est clair Â».

L'enseignant(e) et l'artiste (plus marginalement l'Atsem) se trouvent ainsi à pratiquer la consigne, mais le consensus ne se fait pas toujours sur ce qu'on comprend de ce qui se passe dans les situations pendant l'activité artistique. La lisibilité par les uns et les autres n'étant pas toujours au rendez-vous, un débat a été clairement posé, dans l'une des écoles, par les enseignants et l'artiste plasticien. L'artiste a constaté que certains enseignants ou Atsem reprenaient les enfants, parfois avec virulence, lorsque ceux-ci ne « faisaient pas exactement ce que je demandais Â». L'occasion se présenta donc de discuter du bon usage des consignes :

« Il y a différentes manières de pas respecter la consigne. Si c'est clairement une attitude contre la consigne, je suis pas content. Mais si c'est un détournement de ma consigne, là, d'accord. Je vais donner un exemple parce que c'est pas clair. Par exemple y en avait par rapport à des photos qu'on avaient prises à la deuxième sortie [un travail jumelé, "Musée des Beaux-Arts / Place des Terreaux", chacun avait sa photo avec du ciel, et je leur avais photocopié tout ça, j'avais agrandi. Ils devaient colorier dessus de n'importe quelle autre couleur que le bleu, parce que le ciel n'est pas toujours bleu. Et après avec des gommettes rondes ou carrées, coller, et après avec un feutre, faire des poteaux dans le prolongement. Y en a qui ont fait le poteau, et à côté, ont refait un poteau, et ont refait un rond avec le feutre et un sens interdit ou bien un autre signe avec une flèche [le travail portait notamment sur la signalétique urbaine], en rapport avec ce qu'on avait fait la semaine avant. Donc moi je trouve ça bien : il n'a pas respecté la consigne, mais il a fait ce que je lui ai demandé plus autre chose Â».

Autre exemple : « J'avais demandé de dessiner des bâtons : [la consigne était que] les bâtons, il faut qu'ils soient un peu pris, qu'ils aillent jusqu'au bord de la feuille, parce que [dans la réalité,] ils sont au sol. Et y en a un qui m'a fait les trois bâtons en l'air avec des ronds, des gommettes rondes vertes, parce qu'il m'a dit que ça serait bien que les panneaux [de signalétique] ce soit des ballons et qu'ils soient en l'air : du coup ils volent ! Je vais pas lui dire "non c'est pas bien !" C'est chouette, c'est une manière de commencer à détourner Â».

À propos des consignes qui ne sont pas respectées, le même artiste précise :
« C'est quand, par exemple, je demande à faire quelque chose, un truc assez simple, et le petit me regarde droit dans les yeux et puis il fait des gribouillages, mais vraiment n'importe quoi. Y a rien. Ou bien : il prend la feuille, il la déchire, où y a vraiment un refus. Là j'essaie de / je l'engueule pas, mais je fais attention, je trouve pas ça génial qu'il fasse ça. Quand je demande avec les ciseaux, comme cette semaine, de découper du carton mousse bien droit tout ça : y en a un qui déchire avec les mains, y a pas / c'est du chaos, c'est du rien. Fin c'est pas du rien, tu vois ce que je veux dire : y a pas de construction, y a pas de réflexion Â».


  • « Matériaux de récupération Â»
Nous sommes au tout début de la première année Enfance Art et Langages, dans une école accueillant une plasticienne dont le travail s'articule notamment autour des « matériaux de récupération Â». Une différence de sens est donné à cette expression.

Pour les enseignantes, les matériaux de récupération sont des matériaux usagés, des rebuts, des déchets. Pour la plasticienne, l'expression équivaut à « matériaux réutilisables Â». D'où un malentendu lorsque l'artiste inclut des sacs-poubelles neufs dans son activité. Comme ils sont neufs, les enseignantes se demandent si l'artiste n'aurait pas modifié son projet.

Le malentendu a pu être soulevé dès les premiers mois, lors d'un stage de formation regroupant enseignants, artistes, Atsem (et qui s'est tenu chaque automne jusqu'à l'année scolaire 2008-2009).
Dernière modification : 04/12/2014 17:00