Le sanctuaire fédéral des trois Gaules à Lyon
Le sanctuaire et l'amphithéâtre des trois Gaules
Sur un territoire commun aux soixantes cités de la Gaule, surmontant un quartier dense d’habitations de la ville gauloise de Condate (autour de l’actuelle place Sathonay), à proximité de la voie du Léman (actuelle montée des Carmélites) et face à la colonie, que fut installé le sanctuaire, célèbre dans tout l’Occident romain, où se réunissait chaque 1er août le conseil des Gaules : véritable organisme politique, constitué de délégués choisis par leur peuple, il combinait fonction religieuse et rôle administratif et financier et témoignait chaque année sa loyauté à l’empereur et sa fidélité à Rome.
Le témoignage des textes anciens
L'existence du sanctuaire, célèbre dans tout l'Occident romain, est attestée par plusieurs textes antiques (Strabon, Suétone…) qui nous apprennent que cette aire sacrée, inaugurée en 10 av. J.-C., était dédiée par les nations gauloises à César Auguste; établie "au confluent des deux fleuves", elle comportait u autel monumental et était ornée par des statues des soixante peuples gaulois.
L’emplacement de l’autel des Trois Gaule
De l’autel, on ne connaît que sa représentation au revers de monnaies impériales frappées à Lyon au Ier siècle de notre ère.
Après
l'hypothèse, aujourd'hui abandonnée, qui plaçait l'autel dans le
quartier d'Ainay, la découverte des plaques de marbre décorées de
guirlandes en contrebas du Jardin des Plantes et d’un fragment
d’inscription RO[mae et Augusto] rue du Jardin des Plantes
a suscité dès le XIXe siècle l’hypothèse d’une localisation sur les
pentes de la colline de la Croix-Rousse.
Suite à
l’observation, dans plusieurs caves de la rue Burdeau, d’une épaisse
maçonnerie et d’une « ligne de murailles, l’archéologue Amable Audin, à
partir des années 1950, a proposé de restituer dans ce secteur une
terrasse monumentale supportant une rampe d’accès qui conduirait à
l’amphithéâtre et d'y situer l’autel fédéral.
L’immédiate proximité de la découverte, dès 1528, de l’inscription des Tables Claudiennes (discours de Claude demandant le droit d’accès au Sénat de Rome et aux carrières sénatoriales pour les citoyens romains de la Gaule chevelue) et celle, à l’angle de la rue des Fantasques et de la rue Grognard en 1961, d’un fragment de couronne monumentale en bronze recouvert de feuille d’or semblable aux couronnes visibles sur la monnaie ont été interprétées comme renforçant cette hypothèse.
L’important massif de maçonnerie est-ouest, daté du Ier siècle de notre ère, mis au jour à l’angle de la rue Burdeau et de la montée de la Grande Côte en 1991, ainsi que celui trouvé en 1827 au niveau du chœur de l’église Saint-Polycarpe pourraient bien appartenir également à la terrasse monumentale…
A l’angle de la rue Sainte-Catherine et de la rue Terme, un ensemble de monuments dédiés aux prêtres de Rome et d’Auguste a été dégagé en 1859. Le sanctuaire des Trois Gaules se serait-il étendu jusqu’au secteur des Terreaux ?
L’amphithéâtre
L’édifice du Ier siècle
Édifié en 19 ap. J.-C., l’amphithéâtre de Lyon est le plus ancien de Gaule. Construit grâce aux largesses du sacerdos (grand prêtre) Caius Julius Rufus, ainsi que l’atteste son inscription dédicatoire retrouvée en 1958, il était destiné dans son premier état aux seuls délégués gaulois.
La cavea d’origine était constituée d’un simple podium de 12 m de large, structure pleine composée de compartiments juxtaposés et bordée d’un mur de 2,80 m de haut. Les quatre gradins, d’une capacité de 1 800 spectateurs, accueillaient les fauteuils réservés des élus gaulois : le nom de chacune des nations représentées était gravé sur la face antérieure des blocs.
Une double salle voûtée (chapelle ?) est alignée, au sud-ouest, sur le petit axe de l’édifice, ouvrait directement sur l’arène. Un escalier montait à une tribune (pulvinar), large de 15 m, qui offrait à l’empereur ou à son représentant le meilleur angle de vision.
L’arène
était de proportions moyennes (67,60 m X 41,85 m), comme celle des
amphithéâtres d’Arles et de Nîmes. Installée directement dans la molasse
du flanc de la colline au nord et sur un remblai peut-être aménagé en
terrasse au sud, elle n’était dotée, contrairement aux amphithéâtres
plus récents, d’aucune structure souterraine.
Un canal destiné à l’évacuation des eaux de ruissellement, d’1 m de profondeur, bordait l’arène : à l’abri d’une coursive, recouvert d’un plancher en bois, il se vidait dans deux égouts qui passaient sous le dallage de l’entrée sud de l’édifice.
L’édifice du IIe siècle
Agrandi par l’empereur Hadrien au début du IIe siècle ap. J.-C. (130-136), sur les deniers du procurateur Caius Julius Celsus ( ?), il devint le plus grand amphithéâtre de Gaule : ses nouvelles dimensions (143,30 m X 117,35 m) lui permettaient d’accueillir 20 000 spectateurs, habitants de Lyon et des quatre Gaules. Ils y assistaient à ces propres au monde romain où s’affrontaient gladiateurs et bestiaires, esclaves, condamnés et bêtes sauvages…
Le podium massif d’origine fut entouré d’une couronne composée de murs rayonnants et de voûtes, supportant des gradins d’une pente beaucoup plus accentuée que ceux du premier état.
Le mur bordant l’arène fut surmontée d’une rambarde de protection en fer.
Les passages radiaux, ou vomitoires, sont dissymétriques : dans la partie occidentale de l’édifice, ils atteignent les gradins inférieurs sans donner accès directement à l’arène. Dans le quart nord du monument, au contraire, plusieurs vomitoires, traversant le podium initial, débouchaient sur l’arène.
Le réseau de circulation du 2e état comprenait deux galeries elliptiques, distantes de 10,50 m environ, qui supportaient les gradins desservis par des passages voûtés.
Aujourd’hui, seule l’entrée axiale nord est conservée : cette entrée voûtée du second état, doublée par deux galeries latérales, prolongeait une rue extérieure taillée dans la molasse, dont les murs latéraux furent retrouvés sous l’Ecole des Beaux-Arts en 1953-1955. On peut supposer que l’édifice, entouré d’un simple mur plein dans son premier état, fut doté d’une façade à piles et arcades dans son second état.
De l’oubli à la redécouverte
L’édifice, largement spolié depuis l’Antiquité, occupait à la fin du XIIIe siècle un vaste terrain couvert de vignes. Joliment baptisé « corbeille de la Déserte » (du nom du monastère sur le terrain duquel il était situé), il avait laissé comme souvenir sur le Plan scénographique (milieu du XVIe siècle) trois arches et un chemin incurvé et figurait encore, restitué, sur plusieurs plans du XVIIIe siècle. Le site fut ensuite occupé par le jardin botanique créé à la Révolution.
L’archéologue François
Artaud y commence des fouilles en 1818 mais interprète les vestiges
dégagés, à cause de la présence d’une source et d’un égout, comme ceux
d’une naumachie …
Deux réservoirs, creusés sur le site par la
Compagnie des Eaux en 1834 et en 1854, marquent le début des
destructions modernes. En 1857-1858, le prolongement de la rue Burdeau
amène à raser les vestiges de la partie méridionale du monument ; en
1859 commence la construction de la gare du funiculaire, dont la
tranchée-tunnel, creusée en 1860, détruit les fondations de la partie
orientale de l’édifice.
En dépit des recherches déjà menées, l’amphithéâtre va être au cœur d’une longue querelle scientifique à la fin du XIXe siècle. L’hypothèse de sa localisation sur la colline de Fourvière amène, en 1933, le début du dégagement des vestiges du théâtre.
Amable Audin y reprend en 1956-1957 des fouilles
financées par l’Etat et par la Ville de Lyon, qu’il poursuivra jusqu’en
1978 en dégageant et en restaurant les vestiges actuellement visibles.
Classé monument historique en 1961, l’amphithéâtre des Trois Gaules, aujourd’hui englobé dans le modeste espace vert dernier avatar du Jardin des Plantes, attend une reprise de l’activité et de l’étude archéologiques qui lui rendront sa place emblématique au sein du sanctuaire dans lequel il est inscrit.
Pour en savoir plus
Téléchargez les panneaux de l'exposition de 2007 (pdf, 3 Mo)