Archéo-anthropologie
L’archéoanthropologie ou archéothanatologie (anciennement anthropologie de terrain) mêle les techniques de l’archéologie à celle de l’étude de l’Homme en tant qu’être biologique (restes issus de la décomposition du cadavre) et culturel (pratiques funéraires).
La convergence de l’archéologie et de l’anthropologie physique aboutit à une vaste réflexion concernant la sphère funéraire de la préhistoire à nos jours. Les objectifs sont pluriels : restituer le comportement des civilisations face à la mort et aux morts (gestes, rites) ; établir des profils paléodémographiques sur la base d’études sérielles ; estimer l’état sanitaire d’une population...
Par conséquent, le centre des préoccupations de l’archéoanthropologue est généralement la sépulture, soit l’ensemble commémoratif comprenant les vestiges humains et les divers aménagements, architectures et dépôts mobiliers associés. Elle est perçue comme un micro-gisement obéissant à des logiques propres. Sa fouille sur le terrain intègre évidemment l’enregistrement stratigraphique de chacune de ses composantes, associé à une documentation écrite, graphique et photographique abondante.
L’enjeu se cristallise autour des restes humains (os brûlés ou non, tissus organiques momifiés, cartilages calcifiés etc...). Ceux-ci doivent être dégagés manuellement et minutieusement de façon à conserver leur position et leur équilibre dans un premier temps. L’image instantanée donnée par l’amas osseux ou le(s) squelette(s) devient ainsi le support à une analyse des processus de décomposition du cadavre dans le cas des inhumations. Les observations les plus expertes concernent le relevé de la position des ossements. En effet, ceux-ci ont pu migrer, se déconnecter, s’effondrer au cours du temps pour diverses raisons que l’archéoanthropologue tente d’identifier : les bioturbations - perturbations d’origine animale ou végétale (passages de terrier, racines ...) ; les espaces de décomposition - dans le cas d’un espace vide (cercueil, sarcophage) les ossements ne sont pas contraints et peuvent se déplacer lors de la disparition des parties molles ; au contraire, dans le cas d’un espace colmaté où le sédiment recouvre directement le corps (sépulture en pleine terre), les ossements auront tendance à être maintenus dans leur position originelle.
Ces observations mènent à la détermination de l’environnement et du dispositif dans lequel le cadavre a été déposé initialement, même quand tout aménagement a disparu (ex. : cercueil ou coffrages de bois putrescibles). De même, l’interprétation des contraintes ou anomalies exercées sur tout ou partie de certains segments anatomiques, ainsi que la face d’apparition des os permet la restitution de tout ou partie de l’appareil funéraire, de la posture originelle du corps à son éventuelle enveloppe souple (vêtement, chaussures, linceul...).
En laboratoire, les ossements et autres vestiges issus du cadavre, intégralement prélevés, font l’objet d’une étude biologique impliquant entre autres une très bonne connaissance en anatomie. On cherche à établir les données biologiques de chacun des individus exhumés : âge, sexe (pour les adultes seulement), pathologies (maladies infectieuses, dégénératives, traumatismes...), variations anatomiques non pathologiques (dites aussi caractères discrets), marqueurs d’activités, marqueurs de stress (dus à des carences alimentaires la plupart du temps).
La datation des ensembles funéraires (cimetières, nécropoles) est obtenue classiquement par chronologie relative (stratigraphie) et chronologie absolue (étude du mobilier associé et/ou datation du carbone 14 contenu dans le collagène des os). L’association de pratiques funéraires à une période spécifique aboutit à une typochronologie, soit à la caractérisation formelle et culturelle des sépultures archéologiques.
Emma Bouvard